Monsieur le Président de la République,
Avec cette lettre ouverte, j’en appelle à vous.
J’en appelle à l’homme dépositaire de la plus haute fonction de l’Etat, un homme qui, par sa voix, parle au nom de tous les Français, un homme qui est le garant de la devise de notre République : « Liberté, Egalité, Fraternité ». J’en appelle à vous sur un sujet douloureux, un sujet que vous connaissez et qui, à mon sens, aurait pu être solutionné autrement qu’en en appelant à vous. Ce sujet, c’est l’interdiction des soins de conservation pour les personnes décédées touchées par le VIH/sida ou une hépatite virale. Aujourd’hui, après plus de 30 années de lutte contre le VIH/sida, 30 ans d’action, 30 ans d’engagement, quelle est la situation : l’Etat français interdit que les proches, les amis, la famille d’une personne décédée touchée par le VIH ou une hépatite virale puisse lui rendre un dernier hommage… Monsieur le Président de la République, cette situation est inhumaine : rajouter de la souffrance à un moment de choc aussi dur que l’annonce d’un décès, empêcher le deuil, discriminer les malades même après leur mort … est-ce une solution dont la France, pays des Droits de l’homme, puisse réellement s’honorer ? Je vous laisse seul juge. Monsieur le Président de la République, insupportable sur le plan humain, cette réglementation est également dangereuse sur le plan de la santé. D’abord sur le plan de la santé publique : cette réglementation ne fait que renforcer le climat de stigmatisation qui enserre les malades et, toutes les études le démontrent, la sérophobie est un frein très fort à l’efficacité de toute politique de prévention et de promotion du dépistage. Ensuite, cette réglementation est tout autant néfaste à la santé des thanatopracteurs : comment imaginer que les professionnels puissent être réellement protégés alors que 30% des personnes séropositives au VIH, en France, ignorent leur séropositivité ? C’est bien plus par un environnement de travail adéquat à leurs pratiques et le respect de certaines précautions universelles que la santé des thanatopracteurs sera protégée plus que par une réglementation qui fait naître un sentiment subjectif de sécurité, sentiment objectivement illusoire. … … Plusieurs années déjà que nous nous battons pour réclamer la levée de l’interdiction. Plusieurs années que les ministres concernés - quatre ministres déjà ! - sont approchés et nous écoutent avec bienveillance, sans que, concrètement, cela change quoique ce soit. Plusieurs années que nous espérons, que des annonces sont attendues, que les réponses sont contradictoires et les espoirs déçus. Pourtant, tous les acteurs de la lutte contre le sida demandent la levée de cette interdiction : les associations bien sûr, mais aussi le Conseil national du sida, le Haut Conseil à la Santé publique, le Défenseur des droits, l’IGA et l’IGAS... Et 93.000 concitoyens qui oint signé une pétition que j’ai lancé sur change.org/SidaSoins Funéraires en décembre dernier. Tous demandent la même chose et personne n’est écouté sérieusement. Je connais votre engagement déterminé et humaniste dans la lutte contre le VIH/sida, depuis de nombreuses années, que ce soit en France et dans le monde. Je sais votre conviction d’être au plus proche des problèmes des Français et je ne doute pas de votre volonté d’écouter nos concitoyens qui souhaitent dire un dernier au revoir aux leurs. C’est pour tout cela, monsieur le Président de la République que j’en appelle à vous. Pour protéger la santé des professionnels que sont les thanatopracteurs. Pour mettre fin à une discrimination inhumaine. Pour que nos morts ne soient plus des pestiférés. Pour affirmer que chaque défunt a droit au respect.
Nous comptons sur vous. Je vous remercie de l’attention que vous porterez à cette lettre et vous prie de croire, monsieur le Président de la République, en l’expression de ma très haute considération.
Jean-Luc Romero
A lire aussi sur le Huffington Post.
Lien permanent
Catégories : Coup de gueule, Lutte contre le sida, ELCS, CNS et CRIPS, Politique française, Santé
Tags : françois hollande, jean-luc romero, sida, aids, politique, santé, france
0 commentaire