Tribune dans Le Plus Obs : Sarkozy change d'avis sur le mariage pour tous : un revirement qui me laisse un goût amer
Nicolas Sarkozy a changé d'avis. Alors qu'il avait promis l'abrogation de la loi Taubira, l'ancien président de la République écrit dans son livre, "La France pour la vie", qu'il ne reviendra finalement pas sur le mariage gay. Une volte-face certes bienvenue, mais surtout dictée par les sondages, regrette explique Jean-Luc Romero, président d'Élus locaux contre le sida.
2016 commence bien : Nicolas Sarkozy devient gay-friendly ! Comme quoi, dans la période particulièrement sombre que nous traversons, il y a encore des raisons d’espérer.
Au-delà de légers doutes, fort légitimes il me semble, sur l’honnêteté de la démarche, il a réussi l’exploit de susciter l’ire de celles et ceux qui l’acclamaient – l’adulaient ? – il y a encore quelques mois. La raison ? Nicolas Sarkozy ne veux plus abroger le mariage pour toutes et tous.
Parjure ! Revirement ! Bouh !
Un sens politique particulièrement aiguë
Ôtez-moi d’un doute, j’ai l’impression d’une redite… Car oui, Nicolas Sarkozy, il change, la vie le change... Il a quand même tendance à changer très souvent !
En fait, cela devient même une constante ces changements d’opinion, justifiées, soyons honnêtes, plus par un sens politique particulièrement aiguë plutôt que par une salvatrice révélation humaniste. Car selon un sondage du Cevipof, seuls 28% des Français seraient en faveur de l’abrogation du mariage pour tous.
Si tous les groupuscules extrémistes n’ont pas manqué de dire tout le mal qu’ils pensaient de ce brusque revirement en forme de prise de conscience, je le lui dis sincèrement : il ne faut pas qu’il prenne ombrage de cette vague de critiques.
C’est plutôt un gage de qualité de la mesure prise ou de l’opinion exprimée que d’être contesté de la sorte par ces professionnels de la haine, si prompts à hurler leur dégoût des différences, de la mixité, de la République et si lents à proposer et à construire.
Des politiques complètement irresponsables.
Aujourd’hui, avec cette prise de position claire de l’ancien président de la République, il ne reste plus aucune personnalité politique républicaine de premier plan qui défend sérieusement le retour sur la loi autorisant le mariage à toutes et tous.
Tant mieux devrais-je dire et penser ? Oui, c’est bien, mais tout ceci me laisse un goût fort amer : je pense à tous ces responsables politiques complètement irresponsables qui ont, par leurs prises de position et leurs déclarations, libéré la parole homophobe, et l’ont même encouragé.
Je pense à toutes les souffrances et les violences qui en ont été les conséquences directes. Je pense à ce déferlement homophobe que nous avons connu lors du débat parlementaire et que nous connaissons encore aujourd’hui.
Alors, même si, au fond, j’approuve ce revirement de Nicolas Sarkozy, qui ne fait d’ailleurs que suivre l’évolution sociétale et l’opinion des Français, je pense que rien ne doit et ne peut faire oublier les violences. Rien ne saurait exonérer ces personnalités politiques de leur responsabilité.
Il est question de vie, de souffrances, de suicide
Nul ne peut douter sérieusement de l’intelligence de Nicolas Sarkozy, moi en tout cas, je n’en doute pas une seconde.
Comme je ne doute pas une seule seconde qu’il connaissait fort bien cette donnée : un jeune homosexuel a jusqu'à sept fois plus de risque de faire une tentative de suicide qu’un jeune hétérosexuel. Ce chiffre, il le connaissait fort bien et pourtant, il y a quelques mois, cela ne l’a pas empêché de dire à une partie de la population française qu’ils étaient des sous-citoyens et qu’ils valaient moins que les autres…
Alors je le redis : au-delà de la question de l’honnêteté ou non de la démarche, il y avait et il y a encore aujourd’hui des enjeux essentiels : il est question de vie, de souffrances, de suicide. Il est question du vivre-ensemble. Il est question d’égalité.
Des enjeux qui dépassent largement l’enjeu des prochaines les élections à la primaire des Républicains. Des enjeux qu’il faut prendre à bras le corps en pensant plus à la France qu’à son élection.