Monsieur le Premier ministre,
Dans quelques jours - le 17 mai - aura lieu la Journée internationale contre l’homophobie. Cette journée sera l’occasion, via l’organisation de centaines de manifestations à travers le monde, de marquer notre solidarité aux victimes quotidiennes de l’homophobie et de dénoncer cette logique discriminatoire qui, malheureusement, est une réalité acceptée et institutionnalisée dans de nombreux pays: en effet, soixante-quinze pays, soit plus du tiers des pays dans le monde, ont encore des lois criminalisant les relations sexuelles entre personnes adultes et consentantes de même sexe et les punissant de peines de prison. Dans une dizaine de nations, l’homosexualité est même punie de mort …
Votre prédécesseur, Monsieur Dominique de Villepin, avait annoncé le 15 mai 2006, la volonté de la France de reconnaître officiellement la Journée internationale contre l’homophobie. Cette annonce n’a malheureusement pas été suivie d’effets. Il me semble que ce serait tout à l’honneur de la France , pays des droits de l’homme aux yeux du monde entier, que la date du 17 mai soit reconnue officiellement comme Journée internationale contre l’homophobie.
Au-delà d’être un problème mondial, l’homophobie est également un problème français. Il est vrai que des progrès énormes ont été réalisés depuis la dépénalisation de l’homosexualité en 1981 : vote du PACS, loi contre les propos homophobes etc. Pour autant on aurait tort de croire que l’homosexualité serait aujourd’hui plus libre que jamais et tout à fait acceptée par l’ensemble de nos concitoyens. Tout serait une question de temps … Mais a-t-on le temps face à une augmentation de 17% du nombre des agressions physiques signalées par SOS Homophobie entre 2005 et 2007 ? A-t-on le temps alors que 30% des jeunes homosexuels ont déjà fait une tentative de suicide ? Non, assurément pas, nous n’avons décidemment pas le temps et une réaction vigoureuse des pouvoirs publics est indispensable.
Ainsi, parce qu’une politique active et globale de prévention et d’information est nécessaire, je formule auprès de vous, par la présente, la demande officielle d’attribution du label « grande cause nationale » à la lutte contre l’homophobie.
Faire de la lutte contre l’homophobie la grande cause nationale serait le point de départ de la mise en œuvre d’une politique nationale ambitieuse et cohérente de prévention, afin de déconstruire les préjugés qui nourrissent les actes et propos homophobes, en particulier dans le milieu scolaire et dans le monde du travail.
Faire de la lutte contre l’homophobie la grande cause nationale serait, dans la perspective de la présidence française au Conseil de l’Union européenne, un espoir donné aux militants LGBT d’Europe de l’Est qui doivent faire face aux violences de la population et à la passivité des autorités.
Faire de la lutte contre l’homophobie la grande cause nationale serait un signal fort du gouvernement français dans la lutte contre cette logique d'infériorisation, d'exclusion, de stigmatisation et, parfois, d'anéantissement de l'autre.
Eu égard à votre forte préoccupation pour la question des droits humains, je suis convaincu que ces deux requêtes sauront retenir votre attention et, je l’espère vivement, s’attirer un avis favorable.
Dans l’attente de votre réponse et en vous remerciant par avance de l’intérêt que vous voudrez bien porter à ces demandes, je vous prie de croire, monsieur le Premier ministre, en l’expression de ma respectueuse considération.
Jean-Luc ROMERO