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Malade, exilée, décédée et maintenant humiliée (tribune pour Le Huffington Post)

Mon amie Nicole Boucheton, humaniste, libre penseuse, femme engagée, vice-présidente de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, a dû partir en Suisse, le 6 août dernier, parce qu'elle était arrivée au stade terminal de son cancer et que l'occlusion intestinale menaçait à tout instant de la rendre dépendante de manière définitive pour ses derniers jours. Elle ne le voulait à aucun prix et la médecine, agissant dans le cadre de la loi du 22 avril 2005 dite loi Leonetti, du nom de son rapporteur, ne lui permettait pas autre chose que de souffrir, de sombrer dans un état de dégradation qu'elle ne souhaitait pas et de mourir à l'aide d'une sédation, c'est à dire par privation d'alimentation et d'hydratation (la mort de faim et de soif) sous contrôle médical.
Femme libre, Nicole a pris en conscience la décision qu'elle estimait la meilleure pour elle-même : le départ en Suisse où le suicide assisté est accepté. Sa famille, ses amis, toutes celles et tous ceux qui l'aimaient, l'ont accompagnée dans cette épreuve dans laquelle elle a fait montre de courage, de lucidité, de dignité et, avant tout, d’une grande sérénité.
Bien sûr, aujourd'hui, nous sommes émus et tristes en pensant à Nicole. Mais nous savons qu'elle est en paix avec elle-même et qu'elle a eu, somme toute, la vie qu'elle désirait, du début à la fin.
Malade, exilée en Suisse car la France, pays des Droits de l'Homme, ne reconnait à personne le droit d'éteindre lui-même la lumière, Nicole est aujourd'hui décédée. Ses cendres reposent en paix de la façon qu'elle souhaitait.
Suprême gifle qui lui a été donnée de manière posthume, le journal Ouest France, invoquant un devoir de neutralité qu'il ne respecte pourtant pas lorsqu'il s'agit d'annoncer des offices religieux, de reproduire des prières - je n'ai rien contre - a refusé de publier le faire-part de décès qu'elle avait elle-même rédigé, qu'elle ne souhaitait pas voir modifié, et pour lequel, très normalement, il faut payer un prix.
Voilà que Ouest France, journal quasi monopolistique dans l'ouest de notre pays, financé en partie par nos impôts (à hauteur de 6 centimes par exemplaire vendu), fait le tri entre les bonnes morts et les mauvaises morts, les bonnes annonces et les mauvaises. Entre les bonnes personnes et les mauvaises ?
Malade, exilée, décédée donc, la mémoire de Nicole a été humiliée. Bafouée. Au nom d'une morale archaïque, de la censure d'une presse qui refuse que la société évolue et accorde le droit à chacun d'être, de vivre et de mourir différemment.
Alors certes, un journal peut avoir une ligne éditoriale. Mais le droit ne donne pas tous les droits, et surtout pas celui d'humilier une femme qui, toute sa vie, s'est battue aux côtés des plus faibles pour que chacun, à sa propre façon, puisse jouir de sa liberté.
Je rends hommage, comme président de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, mais aussi comme ami, à Nicole Boucheton, partie trop jeune, trop vite, trop loin, mais partie libre, emportant avec elle la conscience inébranlable d'avoir agi en femme digne, libre et moderne.
A lire sur le Huffinton Post (ici).

Commentaires

  • Ému par ce très beau texte, militant et fort, Jean-Luc.

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