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Mon discours de Vilnius

Logo Baltic Pride.JPGIntervention de Jean-Luc Romero

Vilnius 

vendredi 7 mai 2010

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais vous poser une question, une simple question : l’homosexuel est-il un danger, un fauteur de trouble, une menace à l’ordre public, un malade à traiter, une personne dérangée psychologiquement ? Doit-on le traiter comme un criminel ou un malade ? Faut-il l’enfermer pour éviter toute propagation de ce que certains, au 19e siècle, qualifiaient d’ « abominable vice des Grecs » ?

Je vous demande cela, évidemment par volonté de provoquer, de vous provoquer, vous qui êtes réunis ici par la volonté inflexible et humaniste de lutter contre les discriminations liées à l’homophobie mais surtout pour vous rappeler une chose fondamentale : ces questions nous semblent absurdes et la réponse devrait, pour toutes et pour tous, être totalement évidente.

Pourtant, malheureusement, dramatiquement souvent, ce que je viens de vous dire n’est pas la réalité : plus de 70 pays à travers le monde appliquent des lois criminalisant les relations sexuelles entre personnes adultes et consentantes de même sexe. Pire, dans une dizaine de nations, l’homosexualité est punie de la peine de mort. En France, ces questions ont été résolues il n’y a pas si longtemps que cela. Jusqu’en 1982, l’homosexualité était en partie considérée comme un délit en France. Rappelons également que ce n’est qu’en 1991 - il y a moins de 20 ans - que l’Organisation Mondiale de la Santé a retiré l’homosexualité de la liste des maladies mentales. Pour mémoire, il a fallu semble-t-il moins de temps pour s’apercevoir de l’absurdité de ce Mur qui séparait deux mondes qui refusaient de se parler que de reconnaître que l’homosexualité n’est rien moins que naturelle. Dans la grande comptabilité de l’horreur, laquelle de ces deux folies aura engendré le plus de souffrances ?

Intervention de Jean-Luc Romero

Vilnius 

vendredi 7 mai 2010

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

Je voudrais vous poser une question, une simple question : l’homosexuel est-il un danger, un fauteur de trouble, une menace à l’ordre public, un malade à traiter, une personne dérangée psychologiquement ? Doit-on le traiter comme un criminel ou un malade ? Faut-il l’enfermer pour éviter toute propagation de ce que certains, au 19e siècle, qualifiaient d’ « abominable vice des Grecs » ?

 

Je vous demande cela, évidemment par volonté de provoquer, de vous provoquer, vous qui êtes réunis ici par la volonté inflexible et humaniste de lutter contre les discriminations liées à l’homophobie mais surtout pour vous rappeler une chose fondamentale : ces questions nous semblent absurdes et la réponse devrait, pour toutes et pour tous, être totalement évidente.

 

Pourtant, malheureusement, dramatiquement souvent, ce que je viens de vous dire n’est pas la réalité : plus de 70 pays à travers le monde appliquent des lois criminalisant les relations sexuelles entre personnes adultes et consentantes de même sexe. Pire, dans une dizaine de nations, l’homosexualité est punie de la peine de mort. En France, ces questions ont été résolues il n’y a pas si longtemps que cela. Jusqu’en 1982, l’homosexualité était en partie considérée comme un délit en France. Rappelons également que ce n’est qu’en 1991 - il y a moins de 20 ans - que l’Organisation Mondiale de la Santé a retiré l’homosexualité de la liste des maladies mentales. Pour mémoire, il a fallu semble-t-il moins de temps pour s’apercevoir de l’absurdité de ce Mur qui séparait deux mondes qui refusaient de se parler que de reconnaître que l’homosexualité n’est rien moins que naturelle. Dans la grande comptabilité de l’horreur, laquelle de ces deux folies aura engendré le plus de souffrances ?

 

L’homophobie conçue comme une logique d'infériorisation, d'exclusion, de stigmatisation et, parfois, d'anéantissement de l'autre, est aujourd’hui dans le monde une réalité très forte. Une réalité que vous vivez. Douloureusement. Face à cet insupportable et dramatique constat, il faut réagir. Comment ? Bien évidemment, je n’ai pas de solution miracle, c’est pour cela que je vais simplement vous présenter ce qui se fait en France et vous détailler des exemples de collaboration bien menées entre associations, société civile et autorités dans la lutte contre l'homophobie. Je vais le faire en tant qu'élu politique et président d'Elus Locaux Contre le Sida.

Selon moi, dans la lutte contre l’homophobie, trois volets sont indissociables : la répression, l’éducation et l’égalité des droits.

 

La France réprime l’homophobie

 

Avant de parler de partenariats réussis sur les thèmes de l’éducation ou de l’égalité des droits, je crois important de se demander si l’Etat, si les pouvoirs publics acceptent tacitement l’homophobie ou si elle est réprimée et érigée comme délit c’est-à-dire un acte répréhensible incompatible avec les valeurs défendues par une société. En France, l’Etat réprime pénalement l’homophobie.

 

La France réprime l’homophobie tout d’abord en prenant en compte l’homophobie comme circonstance aggravante : en effet, les lois de 2003 et 2004 prévoient la possibilité de retenir une nouvelle circonstance aggravante lorsqu’un crime ou un délit sont commis à raison de l’orientation sexuelle de la victime. Cela veut concrètement dire qu’une violence ou menace homophobe sera plus sévèrement punie au même titre qu’une violence ou menace à caractère raciste. Cela range bien l’homosexualité au même rang que les évidences de la nature. Un Blanc choisit-il de devenir blanc ?

 

Mais la France a souhaité aller plus loin : elle considère désormais l’expression publique de propos homophobes comme condamnable et non-protégée par la liberté d’expression. Bien évidemment, ceci n’a pas été simple, loin de là, et la pression de la société civile et des associations a été très forte pour empêcher le dépôt et le vote de cette loi. Imaginez que même une grande association de journalistes s’est opposée à la pénalisation des propos homophobes ! Au nom de quoi ? De la liberté de la presse. Je dirai plutôt de la liberté de l’insulte. Mais je ne vais pas m’étendre de trop sur les difficultés, vous les imaginez assez bien : contestations diverses, report du dépôt de la loi – ce qui m’a d’ailleurs conduit à démissionner du poste de secrétaire national de l’UMP, parti actuellement au pouvoir en France.

 

Finalement, la loi pénalisant les propos homophobes a été votée ce qui fait qu’aujourd’hui les propos publics homophobes, sexistes et handiphobes sont pénalisés comme le sont les propos racistes.

 

Cette loi a très vite été appliquée à un cas très symbolique puisqu’il concernait un élu national français, un député plus précisément dont je taierai le nom. Celui-ci a été condamné pour injures en raison de l’orientation sexuelle. J'ai d'ailleurs témoigné contre lui à ce procès et croyez bien que témoigner contre un élu de son parti apporte bien des soucis…

 

Malheureusement la cour de cassation, plus haute juridiction française, a, dans une décision que j’estime complètement incompréhensible, cassé cette condamnation en disant que « si les propos litigieux ont pu heurter la sensibilité de certaines personnes homosexuelles, leur limite ne dépasse pas la liberté d’expression ». Pour la cour de cassation, revendiquer clairement l’infériorité de l’homosexualité face à l’hétérosexualité ne pose pas de souci et n’est pas un signe manifeste d’homophobie ! Incompréhensible ! Aujourd’hui, l’affaire est portée devant la Cour européenne des droits de l’homme.

 

Permettez-moi de ne pas évoquer la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, structure extrêmement intéressante et efficace dans la lutte contre l’homophobie, un de ses représentants vous en parlera plus longuement. Je tiens à le féliciter pour le travail accompli par cette structure.

 

L’éducation à la tolérance : partenariat entre la France et les associations

 

Second volet que je souhaite aborder : celui de l'éducation. En tant qu'homosexuel, j'ai subi et je continue d'ailleurs à subir bien des injures homophobes. C'est pour cela que je crois sincèrement que l’homophobie en tant que logique d'infériorisation et de stigmatisation est contenue aussi bien dans les plaisanteries, dans les cours de récréation ou au travail, que dans les peines de prison infligées dans certains pays.

Bien évidemment, il n’y a aucune comparaison possible compte tenu de la gravité de l’acte mais la logique sous-jacente est la même. 

N'oublions pas que cette logique d'infériorisation a des conséquences dramatiques : les jeunes homosexuels ont treize fois plus de risque de faire une tentative de suicide que les jeunes hétérosexuels. Ainsi, la seule façon de lutter contre cette logique est l’éducation, l’éducation à la tolérance, la pédagogie via l’apprentissage de l’égalité et du fait que l’homosexualité est tout autant légitime que l’hétérosexualité.

 

Je ne veux pas entrer dans des débats trop théoriques, aussi je vous présenterai seulement deux exemples concrets de programme d'éducation à la tolérance. 

 

Tout d'abord dans le milieu scolaire : en France, concernant l’éducation à la sexualité, de très nombreux textes ont été votés - à peu près un par an depuis dix ans. Mais en pratique, les résultats sur le terrain sont très inégaux : alors que les outils existent (par exemple mallette pédagogique), tout dépend de la bonne volonté du personnel de l’éducation nationale. Tout cela montre bien la difficulté de faire entrer un discours sur la sexualité à l'école. Pour autant tout n'est pas noir, loin de là, et je vais évoquer le cas du Centre régional d'information sur le sida d'Ile de France ; je connais bien cette structure puisque j’en suis vice-président depuis plus de 12 ans. Une des missions du CRIPS, organisme principalement financé par la région Ile-de-France et l'Etat, est notamment de former les jeunes et d'organiser dans les écoles et lieux d'éducation des séances d'éducation à la vie sexuelle et affective. Chaque année, ce sont plus de 140 000 jeunes qui sont ainsi concernés par ces séances. Ces séances sont très interactives, l'idée n'est pas d'imposer des idées mais au contraire de faire avancer les jeunes dans leurs réflexions ; elles sont donc conçues comme un outil de promotion des notions de tolérance et de respect des différences et d’acceptation de l’autre. C'est une structure qui fonctionne très bien et qui a de très bons résultats.

 

Autre exemple d'éducation cette fois-ci dans le milieu professionnel : je prends volontairement un exemple assez fort et symbolique puisqu'il concerne la police. FLAG, l’association des policiers gays et lesbiens, a instauré un module de sensibilisation sur l'homosexualité et l'homophobie destiné aux écoles de gardiens de la Paix. Très concrètement, il s'agit d'un cours interactif de deux heures qui reprendra des exemples concrets mettant en jeu l'homosexualité et l'homophobie avec débat entre élèves et formateurs, rappel de la déontologie policière et de la législation en vigueur.

Je pourrai prendre d’autres exemples mais ceux que je viens de donner m’apparaissant assez forts et symbolique.

 

La France, lobbying associatif et égalité des droits

 

Dernier volet que je souhaite aborder, celui de l'égalité de droits. En effet, je crois profondément que ne pas accorder les mêmes droits aux homosexuels nourrit incontestablement l’homophobie, faisant de la personne homosexuelle une personne inférieure, celle-ci ayant moins de droits que les autres. Les homophobes sont ainsi légitimés dans leurs opinions. L'égalité des droits est donc une composante essentielle de la lutte contre l’homophobie.

 

Ce faisant et très concrètement une question importante se pose : celle de l'union entre les personnes de même sexe.

 

Alors bien sûr on pourrait poser la question du mariage et de l'homoparentalité. En France c'est un débat important et très concret. Un exemple : en France, selon l’APGL, 100.000 familles homoparentales élèveraient entre 200 et 300.000 enfants. Les enfants de ces couples n’ont pas les mêmes droits que les enfants des couples « traditionnels ». Alors la question se pose : quel statut leur donner ? Ce sont des questions importantes mais il est possible que la société en Lituanie ne soit pas encore prête pour ce débat qui est en France assez houleux. Je voudrais rester assez concret et vous présenter une mesure universaliste d’égalité mise en place en France depuis 10 ans : le PACS - pacte civil de solidarité.

 

Cette mesure a été adoptée sous la pression de la société civile. Le PACS a été créé par une loi de 1999 et consacre une nouvelle forme de conjugalité ouverte à tous et donc aux personnes de même sexe. Inutile de vous dire que les débats entourant cette réforme ont été très tendus et violents. Dans les manifestations contre le PACS, on pouvait notamment entendre crier « les homos au bûcher » ... une parlementaire Christine Boutin a même brandi la bible à la tribune de l'Assemblée nationale pour s'opposer à cette réforme.

 

Aujourd'hui le PACS est complètement rentré dans les mœurs. Plus de 700 000 PACS ont été conclus en dix ans et aujourd'hui il faut noter que 95% des Pacs sont même signés entre personnes de sexes différents. Alors bien évidemment malgré les améliorations régulières il n'est pas un outil parfait, les associations réclamant des évolutions quant aux droits découlant de la signature d’un PACS.

 

Plus globalement, il faut noter que cette revendication générale d’égalité des droits est bien souvent au cœur des mots d'ordre des gay pride en France.

 

La transition est toute trouvée pour conclure mon propos justement sur ces gay pride et plus spécifiquement sur la Baltic Pride qui aura lieu demain à Vilnius. En France, les gay pride sont soutenues par le monde politique : ainsi, à Marseille, deuxième ville française, la mairie finance pratiquement toute la logistique. Les gays pride sont aussi soutenues par la population : à Paris, la Gay Pride rassemble près d'un million de personnes dans les rues, défilant derrière Bertrand Delanoë, maire de Paris, faisant de cette manifestation une des plus importantes de l'année en France. C'est un moment mêlant militantisme, tolérance, musique et bonne humeur. Demain, à la Baltic Pride, il n'y aura sans doute pas cet aspect festif mais il y aura sûrement ce courage qui fait avancer les causes justes. J'étais à la première gay pride en Russie et j'en suis fier. Elle a été marquée par des violences mais elle a permis de mettre l’accent sur une situation intolérable. La Baltic Pride est une manifestation essentielle et indispensable et je voudrais saluer le courage des associations lituaniennes dans leur combat pour la tolérance et l’acceptation. Ce combat est un combat qui est juste, qui est légitime.

 

Je voudrais terminer en citant Albert Camus, un grand écrivain français connu pour ces combats humanistes. Il écrivait ces mots qui prennent tout leur sens ici : « Ce n'est pas la révolte en elle-même qui est noble, mais ce qu'elle exige ».

Ce que je vois ici c’est du courage, de la détermination, de l’engagement. Je vois des femmes et des hommes, libres, respectueux et respectables. Soyez assurés de mon soutien dans votre combat.

Je vous remercie.

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