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Mon intervention à la région pour une Ile-de-France sans sida

Intervention pour Une Ile-de-France sans sida

Jean-Luc Romero-Michel

Vendredi 7 juillet 2017

 

 

 

Madame la présidente,
Madame la vice présidente,
Cher monsieur l’Ambassadeur Jean Spiri,
Chers collègues,

Un proverbe ivoirien, auquel je me suis souvent raccroché pendant les années noires du sida, celles qui m’ont touché, celles qui ont emporté tant d’amis et tant d’amours, dit : « Quelle que soit la durée de la nuit, le soleil finira toujours par briller. »
30 millions de personnes sont mortes du sida.
3200 personnes en meurent encore chaque jour en 2017.
Chaque jour…

Certes, la nuit est encore là, mais désormais l’on sait que, si l’on s’en donne les moyens, le soleil finira par briller, car on peut enfin en  finir avec le sida. Quel magnifique défi !

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Ce rapport sur lequel nous délibérons aujourd’hui est très important, car il nous engage collectivement pour l’avenir. Mieux, il nous engage pour les générations à venir. Nous sommes donc à un moment très important de notre mandature.
Évidemment, il ne s’agit pas, sur un tel sujet, de faire de la politique politicienne, mais d’être à la hauteur du rendez-vous de la fin du sida. Je sais que chaque groupe, chaque élu de notre assemblée porte cette volonté.
Je ne reviendrai pas sur les conditions qui nous permettraient d’arriver à une Île-de-France sans sida. La vice-présidente, Farida Adlani l’a brillamment rappelé. Vous connaissez la feuille de route fixée par l’Onusida pour 2020 et 2030.
Je veux rendre ici hommage à notre présidente, Valérie Pécresse qui, lorsque je lui ai demandé d’engager notre région, lors de la première discussion budgétaire suivant notre élection, n’a pas hésité à faire sien cet objectif d’une Île-de-France sans VIH/sida. Un grand OUI, un oui que je sais sincère et sans aucune arrière-pensée. Avec, à l’esprit, la vie de ces enfants, de ces femmes, de ces hommes… Un Oui que je veux affectueusement saluer ici, chère Valérie.
Il faut savoir reconnaître les bonnes intentions de l’exécutif, même quand on est dans l’opposition. Je la salue donc, comme je suis reconnaissant à Farida Adlani et à Jean Spiri qui se sont totalement investis dans ce combat.
Je salue enfin tous les groupes et, vous toutes et vous tous, mes chers collègues, qui en déposant des amendements, ne veulent pas du tout remettre en cause le travail effectué, ni cet objectif commun, mais bien contribuer à l’élaboration de la stratégie la plus efficiente pour arriver à la fin du sida.
Pour ne pas redire ce qui a été bien exprimé par la vice-présidente ou mon excellent collègue Jean Spiri, je dirai quelques mots sur le problème du vieillissement des personnes séropositives, la nécessaire mobilisation de tous les élus locaux franciliens et l’indispensable lutte contre les discriminations, notamment la sérophobie ou les LGBTIphobies.
Je n’évoquerai pas la PrEP, qui est pour moi un élément essentiel de la politique de prévention diversifiée, mais ma collègue du groupe RCDEC, Emma Cosse, qui connaît bien ces problèmes, développera ce point déterminant.
Madame la présidente, mes chers collègues, notre stratégie n’a pas oublié un public totalement absent, jusque ces dernières années, des plans de lutte contre le sida. Je pense aux seniors séropositifs.
Imaginez ceux qui ont aujourd’hui 70 ans, 80 ans et qui se retrouvent dans des maisons de retraites ou dans des Ehpad. Ils vivent depuis 30 ans, 35 ans avec le VIH et je sais ce que cela peut impliquer dans un quotidien. Ils se retrouvent aujourd’hui dans des milieux qui n’ont pas été préparés à leur arrivée. Bien que de bonne volonté souvent, les personnels ne savent comment gérer ces personnes et lorsque le bruit court qu’elles sont séropositives, elles font face au rejet. Un rejet brutal et naturellement très souvent humiliant.
Le sida reste, dans l’imaginaire de beaucoup, il faut le regretter, mais c’est encore ainsi, une maladie honteuse. Taboue même. Pour laquelle la population est encore, malgré les campagnes d’information, largement ignorante.
Alors imaginez dans une maison de retraite. Il faut donc mettre cette problématique au cœur des formations sanitaires que nous finançons, développer, en appui avec les communes et les départements, des formations pour les personnels actuellement en place dans les maisons de retraite ou résidences pour personnes âgées. Il faut aussi penser à une campagne contre les discriminations qui concernerait ce public, aujourd’hui, totalement invisible dans la communication contre le VIH/sida. Et, ne pas avoir peur de faire entrer préservatifs internes et externes dans les maisons de retraites car les seniors ont, heureusement et pour beaucoup d’entre eux, une sexualité même si cela reste un autre tabou à faire
Autre point largement développé par Jean Spiri : la nécessaire implication des élus. Certes, le VIH/sida est une compétence nationale mais par le biais de bien des politiques et notamment les contrats santé, il est possible aux collectivités locales de s’impliquer. Je dis souvent que le sida se soigne aussi par la politique et c’est la raison pour laquelle nous nous battons à Élus Locaux Contre le Sida pour impliquer l’ensemble des élus, sans distinction d’appartenance partisane, selon le principe évident que le sida n’est ni de droite ni de gauche. Notre stratégie régionale fonctionnera d’autant mieux que nous trouverons des relais sur les territoires. Nous pourrons compter sur l’appui d’ELCS et de l’AMIF. Déjà, la collaboration avec la Maire de Paris qui a réussi à mobiliser 230 communes à travers le monde autour du 3 fois 90, est bien engagée. Il faudra faire de même avec le président du conseil départemental, Stéphane Troussel qui lance une audacieuse et ambitieuse « Seine-Saint-Denis sans
Enfin la lutte contre les discriminations est vitale. Pas de politique efficace de dépistage – pourtant essentiel aujourd’hui – et de prévention sans une lutte déterminée contre la sérophobie. C’est avec la précarité le pire problème auxquels sont confrontées les personnes vivant avec le VIH/sida en Île-de-France, comme dans tout notre
Comment s’en étonner quand 20% des jeunes pensent qu’on attrape le sida par un simple baiser ou 21% des Français par une simple piqûre de moustique. « La vérité est rarement pure et jamais simple. » Mais quand des idées fausses deviennent des vérités, on a forcément un autre revers, l’augmentation des stigmatisations liées à la peur et à l’ignorance.
La vie d’une personne séropositive, ce sont des discriminations du début à la fin de la vie : difficulté de se construire une vie affective et sexuelle, presque l’impossibilité d’acheter un appartement ou de créer une entreprise, l’interdiction de vivre dans près de 40 pays dans le monde, l’obligation de cacher son virus sur son lieu professionnel, des discriminations dans le milieu médical, notamment chez certain dentistes. Parfois même des chuchotements dans l’ascenseur de son immeuble…. Et jusqu’après la mort, puisque les personnes séropositives n’ont pas le droit aux soins de conservation, même si cette interdiction devrait bientôt et heureusement enfin être levée !
Il faudra lutter contre toutes les discriminations, notamment la sérophobie, les LGBTIphobies dont la tansphobie, les stigmatisations que subissent les usagers de drogue, car aucun produit ne nous enlève notre part d'humanité ou encore les violences faites aux  travailleuses et travailleurs du sexe. Et bien sûr la double peine que subissent les migrants et les réfugiés séropositifs.

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Philippe Séguin disait à juste titre « Pour vivre ensemble, il faut désormais bouger. Alors acceptons nos différences d’âge, de générations, de goûts, d’approches ou encore de mœurs – nous dirions aujourd’hui « de pratiques » ! Et essayons de les rendre compatibles. »
C’est tout l’enjeu d’une politique efficace contre les discriminations.
Le Crips a mené, sous ma présidence des campagnes, contre la sérophobie. Avec Jean aujourd’hui à sa tête, elle en mène de nouvelles. Il faut en faire sans tabous, sans moralisation. La moralisation n’est pas compatible avec une politique efficace de prévention. Mais, il faudra être vigilant pour que le Crips ait les moyens financiers pour mener cette politique ambitieuse et volontariste.
La région, et je l’en félicite, veut lancer des opérations de testing. Elles seront très utiles pour les personnes séropositives : discriminations sur le travail, à l’hôpital, dans les maisons de retraites, etc...
Les appels à projet devront être diffusés largement auprès des associations de lutte contre le sida afin qu’elles déposent des dossiers car beaucoup d’entre elles ont la compétence et l’expérience pour mener des campagnes efficaces.
Voilà, mes chers collègues, je ne veux pas paraphraser ce que vous avez pu lire dans l’exposé des motifs, je voulais encore vous appeler à participer à ce débat avec sérénité et enthousiasme.
Le dicton de Confucius « C’est au plus noir de la nuit que l’aurore est la plus proche » ne s’applique plus à nos pays occidentaux mais, en Russie, à quelques heures d’avion d’ici, à cause d’une politique stigmatisante, le sida explose. En Afrique, en Asie, dans les Caraïbes, la pandémie reste inquiétante même si elle se stabilise. Il ne faudra pas les oublier dans notre politique de coopération, car il ne peut y avoir des malades qui vivent au Nord et d’autres qui meurent au Sud comme le dénonçait si justement Jacques Chirac. Je ne peux terminer cette intervention sans penser aussi aux homosexuels tchétchènes qui font l’objet d’une persécution inadmissible, incroyable, inhumaine, intolérable : fichage, séquestration, torture, lynchage, assassinat...
Et, permettez-moi, en conclusion et en hommage aux 38 millions de personnes qui vivent encore aujourd’hui avec le VIH/sida, de citer ces quelques phrases d’espoir de la chanson de Gloria Gaynor, « I Will survive » qui fut le tube des combats LGBT et celui que chantaient les SurVivants du sida, dont je fais partie, à l’arrivée des trithérapies, en 1996 :

« Oh tant que je sais aimer,
Je sais que je resterai en vie.
J’ai toute ma vie à vivre et j’ai tout mon amour à donner
Et je survivrai ! »

Et, de toute façon, en mémoire de celles et de ceux qui sont morts, et comme l’a si bien écrit le grand Oscar Wilde :

" Il n’y a pas de vie perdue quand on a aimé."
Je vous remercie.
A lire aussi Le Nouvel Obs (ici), Cnews (ici), La Dépêche (ici), Le Populaire (ici),  Ouest France (ici), Pleine Vie (ici), Le Quotidien du Médecin (ici), Illico (ici).

 

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