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Peut-on être élu.e président.e de la République sans parler de la lutte contre le sida ? (Tribune dans le Huffington Post)

La fin du sida est annoncée, prévue, proclamée. Et nous avons même la date retenue par l’ONUSIDA : 2030.
Dans moins de 15 ans, une maladie qui a causé la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes sera contrôlée et ne représentera plus une menace pour le monde. Si d’habitude, je me méfie toujours des oracles qui nous prédisent, la main sur le cœur, les sourcils froncés, de belles révolutions, eh bien, cette fois-ci, je ne peux qu’approuver et soutenir cette objectif ; espérer en cette vision de notre avenir commun. Mais pour y arriver, il ne va pas falloir rester passif. Il faudra mettre en œuvre une politique internationale et nationale à la hauteur de ce défi humanitaire. Ce défi, aussi immense soit-il, peut être résumé par ces quelques mots : innovations, droits humains, solidarité. C’est ce que je démontre et soutiens dans mon nouveau livre « SurVivant – mes 30 ans avec le sida ».
Innovations
La lutte contre le sida a toujours été une lutte en mouvement, un combat qui a fait de l’innovation son fondement autant que son moteur. Expérimentation des salles de consommation à moindre risque, autorisation de la PrEP (le traitement utilisé dans la prévention), avènement de la prévention biomédicale, lancement des Cegidd (centre de dépistage) et des autotests ; autant de réformes, ces derniers mois, qui ont favorablement fait évoluer la réponse au VIH/sida en France ; autant de réformes pour lesquelles nous ne pouvons que féliciter le gouvernement de Manuel Valls (et – surtout ! – les acteurs qui l’y ont poussé !). Aujourd’hui, nous savons qu’il faut dépister le plus vite possible pour traiter le plus précocement possible – 30 000 personnes, en France, ne savent pas qu’elles sont infectées par le VIH – qu’il faut offrir un panel d’outils de prévention diversifiés aux personnes concernées au plus près des réalités de la vie, qu’il faut créer un environnement favorable où dire sa séropositivité ne serait ni synonyme de discrimination, ni de précarisation. Aujourd’hui, les politiques ont l’obligation de mettre de côté toute velléité de faire du moralisme, bloquant et discriminatoire, mais au contraire, d’adopter une méthode pragmatique qui vise l’efficacité au service des innovations. Assurément, refuser les innovations dans la lutte contre le sida, c’est favoriser les nouvelles infections.
Droits humains
Je reprendrai là la phrase d’une personnalité qu’on n’attendait pas forcément sur ce thème, qui n’est pas une activiste ou une personnalité du monde médical, mais qui résume à la perfection tout l’enjeu de la promotion des droits humains dans la réponse au VIH/sida. Cette phrase, c’est celle de l’actrice Charlize Theron, en ouverture de la conférence internationale de lutte contre le sida, en juillet dernier, à Durban : « Le VIH n’est pas juste transmis par le sexe. Il est transmis par le sexisme, le racisme, la pauvreté et l’homophobie. ». Nous pourrions disserter longtemps sur cet aspect fondamental des choses, mais cette phrase résume à elle-seule, en quelques mots efficaces, la réalité de l’épidémie. Aujourd’hui, la réponse au sida ne sera efficace que si les droits humains des populations sont respectés et promus, que ce soit en France ou à l’international (y compris aux États-Unis où le futur président doit veiller au respect des minorités et à la lutte contre les discriminations). Les politiques sont élus pour s’occuper de tout le monde, sans distinction d’origine, de religion, d’orientation et d’identité sexuelle. Ce principe doit trouver sa concrétisation dans l’action publique au quotidien. Quand on constate le score de l’extrême droite ou l’audience de ce groupuscule qu’est la « Manif pour tous » (en fait, pour quelques-uns, seulement…), on ne peut jurer que ce combat pour les droits humains sera véritablement central dans les politiques à venir.
Solidarité
Financer la lutte contre le sida à hauteur des besoins, voilà l’enjeu. Et aujourd’hui, alors que la science a prouvé que nous pouvons enfin en finir avec le sida, l’ONUSIDA a alerté sur le fait que le financement des gouvernements donateurs en direction des politiques mises en œuvre dans les pays à revenus faibles et moyens a chuté pour la première fois en cinq ans, passant ainsi de 8,6 milliards de dollars en 2014 à 7,5 milliards de dollars en 2015. Le nerf de la guerre, le point central qui conditionnera la réussite des choses, c’est l’argent. La France doit prendre toute sa place dans cette lutte, tout autant sur le plan international que national. Notre pays a toujours été à l’avant-garde, notamment sous la présidence de Jacques Chirac avec le lancement d’UNITAID, dispositif dont on connaît l’efficacité sur le prix des médicaments, prix qui a drastiquement baissé depuis quelques années, sauvant par la même des centaines de milliers de vies. Je lis, tout comme vous, toutes les attaques contre UNITAID et ce dispositif – simple – de taxe sur les billets d’avions. J’en rappelle le montant : de 1,3 à 6,3 euros par billet en classe économique. De quoi fausser la concurrence et poser problème aux compagnies aériennes ? Restons sérieux…
Aujourd’hui, près de 7.000 personnes sont infectées chaque année au VIH dans notre pays. Aujourd’hui, jamais autant de personnes n’ont vécu avec le VIH, que ce soit en France ou dans le monde.
Aujourd’hui, je ne peux imaginer qu’un.e président.e de la République soit élu.e sans prendre des engagements clairs, précis, chiffrés, ambitieux dans la lutte contre le VIH/sida.
Lutter contre le sida, c’est lutter contre une maladie mais aussi s’attaquer aux tabous de notre société ; c’est concevoir un nouveau rapport à la réponse communautaire ; c’est œuvrer contre la xénophobie, l’homophobie, la transphobie ; c’est réfléchir aux rapports entre le monde médical et les malades ; c’est imaginer notre vivre-ensemble.
Etre élu.e président.e de la République sans parler de la lutte contre le sida ? Simplement impossible en 2017.

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