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Mon itw dans Criticize-me

Jean-Luc Romero, on vous a senti énormément concerné, ces dernières semaines par l'actualité. Projet de loi du mariage gay, manifestations houleuses et division sociale sur un thème de société... Avez-vous eu le sentiment que la France s'est littéralement coupée en deux ?

 

Oui, assurément. Je ne voudrais pas laisser penser que j'ai une vision manichéenne des choses, mais clairement, on voit se dessiner deux France : d'un côté une France du progrès, une France ouverte sur l'Autre, solidaire et humaine ; de l'autre, une France d'enfermement, méfiante, une France discriminante, stigmatisante, remplie de préjugés. Il en aura fallu du courage politique au président de la République pour tenir la barre et concrétiser son engagement de campagne !

Sans verser dans l'optimisme naïf, je pense que cette division extrêmement claire et cause de bien des violences, qu'elles soient verbales ou physiques, ne peut et ne va pas durer : je suis sincèrement et profondément convaincu que c'est la voie du progrès et de l'ouverture qui va triompher et que les opposants à cette réforme seront, à terme et en grande majorité, finalement convaincus par celle-ci. Il ne sera alors plus question d'un quelconque effondrement de civilisation mais bien plus d'amour, de joie et de sourires !

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Aujourd'hui, l'homophobie « ordinaire » apparaît de plus en plus forte aux yeux des Français. Cependant, ce serait un raccourci facile de dire que tous les opposants au mariage gay soient des gens homophobes. L'art du débat, perdue depuis si longtemps en France, n'a-t-il pas contribué à ces raccourcis faciles ?

 

Vous le savez, je suis pour le débat, j'aime le débat et cela pour une raison très simple : c'est dans la confrontation des idées que l'on arrive à avancer. Concrètement, sur cette question du mariage pour toutes et tous, en lieu et place de débats sur la base d'études et de données objectives, donc des choses intéressantes et servant à construire un argumentaire, j'ai plutôt entendu un déferlement d'homophobie, sans doute intériorisée très longtemps, et très largement extériorisée avec ce débat, que soit dans la rue tout autant que dans la sphère médiatique.

Ce débat a été marqué par des outrances, des invectives, des insultes, ce constat, nous pouvons tous le dresser. La radicalisation de ces derniers mois a engendré des violences intolérables et je crois que chacun devra assumer ses responsabilités, notamment certains élus qui, pour des intérêts politiciens, se sont, de manière très ostentatoire, rapprochés de l'extrême-droite, faisant fi du barrage républicain qui a prévalu depuis tant d'années.

Alors, que voulez-vous débattre avec des personnes qui pensent que mettre fin à une discrimination étatique allait mettre à bas les fondements de notre civilisation ? Vous en conviendrez, c'est compliqué ! Je suis parfaitement favorable au débat. Mais pour débattre, il faut avoir un contradicteur qui en ait l’envie …

 

Nous avons assisté au premier mariage gay en France. Pour l’occasion, nombreuses ont été les caméras de télévisions et journalistes présents. Ne trouvez-vous pas que toute cette pléthore médiatique soit finalement hors de propos, pour un événement qui relève de l'intime ?

 

Non je ne le crois pas. D’abord, je rappelle que le mariage est une cérémonie publique. C’est le sens de la publication des bans et du maintien des portes ouvertes durant la célébration. Bruno et Vincent se sont simplement mariés par amour mais, en effet, leur mariage est le premier mariage légal entre personnes de même sexe en France. Ce moment de bonheur en couple et avec leurs proches se trouve donc aussi être un moment de bonheur historique, d'où la présence de médias du monde entier. Mais rassurez-vous, cet engouement médiatique va se calmer et les mariages entre personnes de même sexe seront comme n'importe quel mariage : un grand moment de bonheur, une union pour la vie, un amour reconnu par notre pays ! Tout cela suppose bien évidemment que les élus ne se mettent pas dans une situation d'illégalité en refusant de célébrer des mariages entre personnes de même sexe : si c'est le cas, la réaction des pouvoirs publics devra être ferme et rapide, car doit-on le rappeler à certains élus locaux, nul n'est censé ignorer la loi…

Puis-je ajouter que ces caméras ont apporté, partout où ces images ont été vues, le symbole d’une France plus libre, plus juste, plus humaine ? C’est le retour, sur la scène internationale, d’une France qui protège les droits de l’homme et assure l’égalité. Les droits de tous les hommes, fussent-ils homosexuel(le)s. Imaginez le retentissement de ce mariage pour les gays de Russie, pour ceux de certains pays africains qui pénalisent encore l’homosexualité, pour ceux des pays dans lesquels on lapide, on torture, on pend, on humilie des hommes pour le seul « crime » qu’ils ont eu des relations sexuelles avec d’autres hommes, des femmes pour le seul « crime » qu’elles ont eu des relations sexuelles avec d’autres femmes ? Par amour, tout autant que par plaisir ?

 

Dans votre livre Homopoliticus, vous parlez de cette relation ambiguë qui existe entre la classe politique et l'homosexualité. Pensez-vous que beaucoup d'hommes et femmes politiques ont mis de côté leurs propres convictions pendant ce débat, uniquement pour favoriser le vote de leur parti ? Des gens de droite qui étaient pour, et a contrario des gens de gauche qui étaient formellement contre.

 

Globalement, la logique de notre Ve République fait que, en effet, sur tous les sujets, il y a des consignes de vote et que la très grande majorité des élus respectent les directives. Je voudrais quand même rappeler que certains élus de droite ont eu l'honnêteté d'assumer leur opinion en votant pour et saluer le courage du député UMP Franck Riester qui s'est opposé à son parti pour assumer pleinement sa position.

 

- On vous connait également pour vos positions sur l'euthanasie. Dernier droit et dernière liberté donnée à l'homme, dites-vous. Que manque-t-il, selon vous, dans l'esprit des gens et des responsables politiques pour que l'euthanasie soit légalisée ?

Nous vivons dans un pays dans lequel les élites sont déconnectées des réalités et de leur base. Les politiques ont du mal à avancer sur le sujet, ont peur de l’impopularité, alors qu’entre 86% et 94% des Français, selon les sondages, sont favorables à l’euthanasie. Le clergé catholique soutient des positions très violemment défavorables au choix de sa propre fin de vie, alors que selon un sondage réalisé en septembre 2012 par Pèlerin Magazine 91% des catholiques non pratiquants et 59% des catholiques pratiquants sont favorables à l’euthanasie. Les médecins, enfin, dont les grands mandarins, surtout ceux qui n’exercent plus la médecine que depuis leur bureau, s’opposent à un cadre légal pour une aide active à mourir lorsque 60% des médecins, selon un sondage de janvier 2013 commandé par le Conseil national de l’Ordre des médecins, sont tout à fait favorables ou plutôt favorables à l’euthanasie active.

Afin que tous les citoyens puissent exprimer leur avis – et donc leur accord – sur la légalisation de l’euthanasie, il est urgent de démédicaliser ce débat. Si les médecins sont des « facilitateurs », il convient que les patients restent les décideurs. Pour la loi sur l’avortement, les femmes se sont exprimées – et ont gagné – alors que les grands médecins – et singulièrement les membres de l’Académie de médecine – trainaient des pieds.

Donner un cadre légal, strict, à la fin de vie en France, sortir nos règles des approximations et des interprétations, sortir de la clandestinité des actes d’euthanasie parfois réalisés par compassion, parfois pour de mauvaises raisons, est la solution pour rendre la fin de vie, en France, plus sereine et plus digne.

Une grande loi républicaine et laïque assurera la liberté de chacun, l’égalité de tous et la fraternité envers son prochain.

 

 

- Énormément de médecins restent pourtant contre cette loi, estimant en premier lieu qu'il n'est pas de leur vocation que de laisser mourir un individu. Que peut-on répondre à cette délicate mais symbolique intervention ?

Comme je vous l’ai dit, 60% des médecins sont favorables à la légalisation de l’euthanasie. Ceux qui sont contre, ce sont ceux que l’on entend le plus, qui siègent à l’Assemblée nationale. Ceux aussi qui ont perdu la compassion, le respect et l’écoute. Le professeur Sicard, dans son rapport au président de la République, évoque la surdité de certains médecins.

Que les médecins arrêtent de croire que la mort est l’échec de leur profession. L’échec, c’est l’incapacité à soulager les souffrances. La mort n’est que la suite logique de la vie ; elle est inévitable. Jeunes ou vieux, en bonne santé ou malades, nous allons tous mourir. Mais il y a différentes façons d’entrer dans la mort : les yeux ouverts, comme l’écrivait Marguerite Yourcenar, debout, dans l’attente du dernier souffle ou encore dans la souffrance physique et psychologique. Ce choix que personne ne doit juger doit cependant nous appartenir.

Une mort choisie ou une mort subie. Sa propre mort ou celle décidée par un autre sur des critères que nous ne reconnaissons pas.

Accompagner son patient aux portes de la mort, et non pas le laisser choir dans les heures les plus pénibles de son existence, voilà à quoi l’éthique médicale soit s’attacher.

 

Autre combat à venir, et non des moindres : la mairie de Paris. Vous êtes un fidèle soutien d'Anne Hidalgo depuis plusieurs années mais également conseiller d'île de France. Aujourd'hui, que manque-t-il à Paris pour retrouver son éclat d'antan ?

J’avoue ne pas partager votre point de vue négatif sur Paris.

Clairement, depuis l’élection de Bertrand Delanoë et d’Anne Hidalgo, notre ville lumière a retrouvé le lustre qu’elle avait perdu. Paris n’est plus à la chronique judiciaire des journaux.

Un nouvel élan a été donné à notre ville et le vivre mieux y est une réalité.

Nombre de grands projets ont vu le jour dont le dernier et pas des moindres, le tramway qui, depuis la fin de l’année 2012, a encore bien progressé sur les Maréchaux. Les voies sur berges sont un merveilleux projet qu’a porté Anne Hidalgo avec conviction et cet été les Parisiens vont en apprécier les charmes.

Paris fait rêver le monde entier et est aujourd’hui la ville la plus visitée au monde. Mais, peut-être faudra-t-il aussi faire un effort pour les nuits parisiennes. Elles y sont déjà extraordinaires mais il ne faut pas se laisser distancer par Londres ou Barcelone qui sont aussi devenues des grands lieux de la fête.

 

À vous entendre dans les médias, on sent l'homme de combat, prêt à se mobiliser pour lutter contre les injustices et certaines grandes causes actuelles. Où puisez-vous cette force ?

Quand on a cru ne pas connaître ses 30 ans et que l’on survit depuis plus de 20 ans, on a une force extraordinaire.

Trop de gens oublient que nous sommes mortels et courent après plus d’argent, de postes ou de responsabilités. Et s’il leur arrive un pépin, ils se rendent compte qu’ils ont oublié le sens de la vie et donc l’essentiel.

Depuis très jeune, j’ai pris conscience que tout doit se terminer un jour car j’ai été confronté personnellement à la maladie et à la mort de tant d’êtres chers. Je sais la valeur de chaque moment qui passe. La maladie m’a aussi enseigné l’urgence de défendre les causes auxquelles je suis attaché car j’ai toujours la crainte qu’elle m’empêche de mener à bien mes combats.

En conclusion, je puise ma force dans le sentiment d’avoir eu tant de chance de vivre si longtemps et intensément alors que ma mort sonnait comme une évidence et d’être en fin de compte un survivant du sida.

 

Parlons avenir. Vous occupez la fonction de conseiller régional, en Île de France. Avez-vous l'ambition et le désir d'occuper un poste plus conséquent dans les années à venir ? Que ce soit dans la politique, mais plus généralement dans des grandes causes nationales, comme ce fut notamment le cas en 2006, lorsque vous fûtes à l'initiative d'une forte campagne médiatique de sensibilisation sur la liberté de circulation des personnes vivant avec le VIH ?

Ayant longtemps cru que je ne vivrai pas longtemps, je n’ai jamais conçu de carrière. J’aurai certes aimé avoir un mandat qui me permette de faire avancer la société ou de changer les lois mais il aurait fallu faire des concessions, ce que je n’ai jamais voulu.

Aujourd’hui, je souhaite continuer à œuvrer pour la région Ile-de-France aux côtes de Jean-Paul Huchon, mais aussi pour Paris derrière mon amie Anne Hidalgo qui je l’espère sera maire de Paris. Anne m’a demandé de faire partie de son équipe et de m’occuper notamment de la riposte et j’ai accepté avec enthousiasme cette mission à ses côtés.

En 2013, deux de mes combats ont abouti : Florence Cassez a enfin été libérée et le mariage pour tous a été adopté. Durant le second semestre, j’aimerais en gagner un 3ème : celui de l’Ultime Liberté. Il concerne 100% d’entre nous. J’y mettrai toutes mes forces !

Et puis, peut-être écrire un nouveau livre. Après le film et le documentaire Homopoliticus, écrire me manque !

 

Une question plus corporate, plus amusante, disons : vous avez accepté, très gentiment, d'être le Rédacteur en Chef invité de Criticize Me, cette semaine. Pourquoi ?

Pour être sincère, je ne connaissais pas votre site avant votre demande. J’y suis donc allé et j’ai apprécié à la fois sa présentation et sa liberté.

De plus, votre demande a aussi été faite avec beaucoup de tact et d’élégance. Sans mots péremptoires pour me persuader …comme trop souvent. J’ai donc aimé votre démarche et je me suis dis : chiche ! J’espère que, de votre côté, vous ne le regrettez pas !

 

Que peut-on vous souhaiter pour l'avenir ? Encore plus de combats ?

Les combats, je les conjugue au présent depuis de longues années ; je suis président de trois belles et utiles associations : Elus Locaux Contre le Sida, le Crips Ile-de-France et l'ADMD.

Alors pour l'avenir, ce que je souhaite vraiment c'est une seule chose : le bonheur de ceux que j'aime, notamment Christophe, l’homme avec qui je vais avoir l’immense bonheur de me marier en septembre. Je sais, ce n'est pas très original comme réponse mais pour une personne comme moi qui ne pensait pas voir ses 30 ans, je vous garantis que cela a beaucoup d'importance ! A l’image de ma devise : « l’avenir dure toujours. »

 

 

Merci Jean-Luc Romero !

 

 

 

 

 

 

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