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Mon discours sur la prévention en France au Congrès de Caracas

Discours de Jean-Luc Romero
Président d’Elus Locaux Contre le Sida
1ère congrès de prévention à Caracas – Fondation Daniela Chappard
Samedi 27 novembre 2010

 

Mesdames, Messieurs,
Mon intervention aura pour thème la prévention en France. Vaste sujet dont on ne fera évidemment pas le tour aujourd’hui. Je vais tenter de  faire un tour d’horizon en insistant sur différents points que j‘estime important, d’autant plus la question de la prévention est un sujet qui subit une vraie révolution depuis quelque temps.
Quand on dit le mot sida, outre le mot maladie, c’est bien le mot préservatif qui y est associé le plus souvent. Avant de parler du cas de la France, j’en profite pour me réjouir  que le Pape ait enfin reconnu que le préservatif pouvait être utilisé alors que, il y a un an, il avait fait une contre-vérité scientifique qui n’avait fait qu’aggraver le problème !
Le préservatif en France est un marché important avec 100 millions de préservatifs achetés. C’est également 6 millions de préservatifs gratuits distribués par l’Etat. Marché important en nombre d’unités, mais la question que l’on peut se poser est : comment est-il utilisé ? Toutes les enquêtes montrent une augmentation régulière de l’usage du préservatif au premier rapport sexuel depuis 1988 et le maintien à un niveau élevé après cette date, jusqu’à 90% en 2007. Mais après le premier rapport ?
Soyons clairs : on assiste, dans tous les milieux et les groupes, à une augmentation des pratiques à risques, due sans nul doute à une perception plus floue du risque. Selon les enquêtes françaises, les jeunes sont toujours plus nombreux à affirmer que le préservatif diminue le plaisir. En 2007, une autre enquête indiquait que le nombre de personnes ayant utilisé un préservatif durant l’été avait baissé. La baisse était de 4% par rapport à 2006 et elle est même de 7% chez les 25-30 ans… A mettre en parallèle avec une augmentation de la consommation de 3 à 4% chaque année jusqu’alors…
Conscient de ce problème, les pouvoirs publics ont réagi, d’une part, en lançant l’opération « préservatif à 20 centimes d’euros » et, d’autre part, en mettant en place dans les collèges et lycées des distributeurs de préservatifs. Pour autant, ces mesures volontaristes, que l’on ne peut qu’approuver, suffiront-elles à lutter contre l’augmentation des comportements à risques liés à la lassitude du port du préservatif ? Honnêtement, je ne sais pas.

Discours de Jean-Luc Romero

Président d’Elus Locaux Contre le Sida

 

1ère congrès de prévention – Fondation Daniela Chappard

Samedi 27 novembre 2010

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

Mon intervention aura pour thème la prévention en France. Vaste sujet dont on ne fera évidemment pas le tour aujourd’hui. Je vais tenter de  faire un tour d’horizon en insistant sur différents points que j‘estime important, d’autant plus la question de la prévention est un sujet qui subit une vraie révolution depuis quelque temps.

 

Quand on dit le mot sida, outre le mot maladie, c’est bien le mot préservatif qui y est associé le plus souvent. Avant de parler du cas de la France, j’en profite pour me réjouir  que le Pape ait enfin reconnu que le préservatif pouvait être utilisé alors que, il y a un an, il avait fait une contre-vérité scientifique qui n’avait fait qu’aggraver le problème !

 

Le préservatif en France est un marché important avec 100 millions de préservatifs achetés. C’est également 6 millions de préservatifs gratuits distribués par l’Etat. Marché important en nombre d’unités, mais la question que l’on peut se poser est : comment est-il utilisé ? Toutes les enquêtes montrent une augmentation régulière de l’usage du préservatif au premier rapport sexuel depuis 1988 et le maintien à un niveau élevé après cette date, jusqu’à 90% en 2007. Mais après le premier rapport ?

 

Soyons clairs : on assiste, dans tous les milieux et les groupes, à une augmentation des pratiques à risques, due sans nul doute à une perception plus floue du risque. Selon les enquêtes françaises, les jeunes sont toujours plus nombreux à affirmer que le préservatif diminue le plaisir. En 2007, une autre enquête indiquait que le nombre de personnes ayant utilisé un préservatif durant l’été avait baissé. La baisse était de 4% par rapport à 2006 et elle est même de 7% chez les 25-30 ans… A mettre en parallèle avec une augmentation de la consommation de 3 à 4% chaque année jusqu’alors…

Conscient de ce problème, les pouvoirs publics ont réagi, d’une part, en lançant l’opération « préservatif à 20 centimes d’euros » et, d’autre part, en mettant en place dans les collèges et lycées des distributeurs de préservatifs. Pour autant, ces mesures volontaristes, que l’on ne peut qu’approuver, suffiront-elles à lutter contre l’augmentation des comportements à risques liés à la lassitude du port du préservatif ? Honnêtement, je ne sais pas.

 

Peut-être que l’une des solutions serait de prendre en exemple ce que fait le centre régional d’information sur le sida en Ile-de-France, le Crips. Cet organisme, financé principalement par la Région Ile-de-France, a notamment pour mission de faire tout au long de l’année des séances d’éducation à la santé  dans les lycées. Cela marche extrêmement bien car les interventions sont basées sur une méthode participative : il ne s’agit pas d’asséner une simple litanie de vérités médicales, de conseils de prévention ; il s’agit de créer une véritable interactivité avec les jeunes, un échange afin de susciter une réflexion. Ce n’est que comme ça que les jeunes pourront devenir de véritables acteurs de leur propre prévention.

 

Je voudrais maintenant faire un focus en particulier sur le préservatif féminin. Aujourd’hui, les femmes sont de plus en plus touchées par le sida et il faut donc leur proposer de façon urgente les moyens de prévention qui existent autre que le préservatif masculin. Selon moi, le préservatif féminin est une alternative au préservatif masculin grâce auquel la femme devient actrice de sa prévention, grâce auquel la réticence et la résistance à l’utilisation du préservatif masculin peuvent être contournées, même si le dialogue est indispensable pour une protection sur la durée.

 

Concrètement, qu’est ce que cela donne en France ? Je vous donne deux chiffres : 100 millions et 1,4 million. Que signifiant ces deux données ? Vous l’avez deviné : 100 millions c’est le nombre de préservatifs masculins écoulés en France sur un an, 1,4 le nombre de préservatifs féminins... Sur ces 1,4 millions, l’Etat français en a même acheté plus de la moitié ! Alors, la question forcément se pose : le préservatif féminin a-t-il un avenir ou la prévention ne se déclinerait-elle qu’au masculin ? Evidemment, oui, le préservatif féminin a un avenir ! Il faut rappeler que le préservatif féminin est un outil récent, seulement 10 ans d’existence. Mais, plus que la possibilité d’un avenir pour cet outil de prévention, j’affirme qu’il s’agit d’une réelle nécessité ! La prévention doit se décliner au féminin, même si pendant des années, elle n’a été vue que sous l’angle masculin. Concrètement, on le sait très bien, certaines subissent la sexualité. Leur donner la possibilité de gérer leur propre prévention est un enjeu essentiel. Avec une politique d’information et d’éducation adéquate, le résultat pourrait être une prévention au féminin plus naturelle. Bien évidemment il faudra, pour cela, apporter des innovations au produit en lui-même. Soyons francs, le bruit du préservatif est assez désagréable. Mais le bruit, n’est ce pas aussi une composante de l’amour ? Ceci dit, de nouvelles matières sont désormais utilisées ce qui le rend silencieux dans les frottements. Au delà des innovations intrinsèques au produit, il faut également se pencher sur l’accessibilité du produit. Au vue de son coût unitaire prohibitif, le préservatif féminin reste pratiquement un produit de « luxe » ; qui dit produit de « luxe », dit diffusion restreinte… Je suis pour que l’opération « préservatif masculin à 15 centimes d’euros » soit faite également pour le préservatif féminin. Bien sûr cela suppose un effort de financement important de la part de l’Etat mais je pense que chaque femme doit, je dis bien doit, avoir la possibilité d’essayer et de l’adopter si ce moyen de prévention vous convient.

 

Au-delà de son prix, il faut aussi que cet outil soit connu. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ! Il faut que des campagnes de communication d’ampleur nationale soit mise en œuvre. Les professionnels de santé, notamment les gynécologues, et les milieux scolaires doivent être associés de façon très étroite à cette campagne. En effet, ces acteurs doivent avoir un rôle d’informateur si des questions leur sont posées suite à une campagne de communication mais, plus encore, ils doivent tenir un rôle plus actif et être force de proposition.

 

Cette baisse de prix durable et la connaissance de son existence et de son utilité sont indispensables à l’utilisation de ce préservatif féminin. Il en va de la possibilité pour les femmes de gérer leur prévention sans dépendre du bon vouloir de leur partenaire, sans avoir besoin de négociation au résultat incertain.

 

Alors je viens de parler du préservatif masculin et du préservatif féminin en parlant notamment de leur coût unitaire. Je me pose une question à ce sujet : pourquoi les pouvoirs publics ne mettraient-ils pas en place la gratuité totale des préservatifs masculins et féminins ? C’est une idée qui, certes, peut sembler surprenante au premier abord mais qui est tout à fait justifiée : sur le plan de la santé publique, c’est une évidence mais aussi sur un plan financier. Sans tomber dans le cynisme, prévenir via la gratuité totale des préservatifs coûterait bien moins cher que traiter une personne durant toute sa maladie et perdre à terme une expérience, une formation et surtout une vie. Après, très concrètement, on pourrait imaginer plusieurs systèmes comme par exemple la mise en place de la gratuité totale via des contrats passés entre l’Etat et les fabricants et donc la mise à disposition dans les lieux publics ou le remboursement des préservatifs via une prescription faite par un médecin pour les personnes séropositives et pour ceux pour qui le coût est un réel obstacle comme les jeunes de moins de 25 ans et les personnes vivant avec les minima sociaux. Voilà, c’est une idée que je soumets. Je pense, depuis longtemps, qu’elle devrait être débattue sérieusement.

 

Le second point extrêmement important de la prévention est le dépistage. En France, deux systèmes coexistent : les laboratoires et les centres de dépistage anonyme et gratuit. La France est pratiquement la championne européenne en matière de tests de dépistage VIH : 5 millions par an. – Seule l’Autriche fait mieux ! La question qui se pose alors est celle-ci : est-ce que ce dispositif marche ? Apparemment oui vu le nombre de dépistage faits. Malheureusement, la réponse doit être vraiment nuancée … Ainsi ce sont près de 50.000 personnes qui sont séropositives et qui l’ignorent en France et 20% des personnes contaminées découvrent leur séropositivité au stade sida …Voilà deux données qui ne peuvent que nous inquiéter et nous poussent à une réflexion pour comprendre le pourquoi de ce retard au dépistage.

 

Le plan de lutte contre le VIH/sida, annoncé il y a peu par les pouvoirs publics, a pris en compte ces données et a décidé la mise en œuvre de deux mesures très intéressantes sur cette question du dépistage.

 

Le plan de lutte contre le VIH a ainsi prévu la systématisation de l’offre de dépistage. Concrètement, le dépistage  va être beaucoup plus souvent proposé hors notion de risque d’exposition. Cette réforme, réclamée depuis longtemps par l’ensemble des acteurs de la lutte contre le sida, constitue un grand progrès. Attention : qui dit proposition ne veut pas dire obligation. Il n’est pas question de contraindre au dépistage, simplement de le proposer de façon plus systématique. Mais j’espère aussi que les crédits nécessaires à la mise en œuvre de cette politique seront à la hauteur de l’enjeu.

 

Deuxième avancée : les tests rapides réalisés par des personnels non-médicaux. Il y a quelques jours, un arrêté a autorisé ce type de test. Ainsi, sous certaines conditions notamment lié à une autorisation de l’agence régionale de santé, un salarié ou un bénévole, non professionnel de santé, intervenant dans une structure de prévention ou une structure associative pourra désormais réaliser ces tests. Cela va considérablement faciliter le dépistage et permettra de toucher des personnes qui ne sont pas à l’aise dans un environnement médicalisé où elles ont l’impression d’être jugées. Un programme appelé Checkpoint a été mis en place à Paris il y a quelques mois en direction spécifiquement des homosexuels et c’est un franc succès. Ce type de structure, grâce à cet arrêté, va pouvoir être généralisé et c’est tant mieux.

 

Sur cette question du dépistage, je voudrais juste faire une courte remarque sur les autotests, dispositifs qui permettent de se tester soi-même, à domicile, avec une simple goutte de sang. Même si ce type de dispositif peut être séduisant sur le papier, c’est une fausse bonne idée. En effet, au-delà des erreurs fréquentes de manipulation qui peuvent induire des résultats erronés, le fait que la personne, si elle apprend sa séropositivité, se retrouve seule, est inhumain et totalement contreproductif, notamment quant à l’accès aux soins.

 

Nous le voyons, sur cette question du dépistage, les pouvoirs publics ont décidé d’innover et c’est tant mieux. Mais une autre révolution plus globale est en marche : celle du traitement comme outil de prévention. Laissez moi vous rappeler la phrase qui, il y a maintenant deux ans, a fait l’effet d’une bombe dans le milieu médical et associatif : « une personne séropositive ne souffrant d’aucune autre maladie sexuelle transmissible et suivant un traitement antirétroviral avec une virémie entièrement supprimée ne transmet pas le VIH par voie sexuelle ». A cette affirmation de principe, ces deux principaux auteurs, le professeur Bernard Hirschel et Pietro Vernazza, posaient trois conditions : un traitement antirétroviral suivi très scrupuleusement, une charge virale indétectable depuis plus de 6 mois et l’absence de toute IST.

 

Suite à cette annonce, les réactions ne se sont pas fait attendre et elles ont été vives, de la part aussi bien des institutions internationales, comme l’OMS et l’ONUSIDA, que des personnalités médicales et des associations. Cette étude a toutefois eu le mérite de lancer le débat sur la prévention en direction des personnes séropositives et par des personnes séropositives et de poser plus globalement la question du traitement comme outil de prévention. En France, le Conseil national du sida, institution dont je fais partie, s’est saisi de la question et il affirmé que le traitement devait avoir une place dans la prévention individuelle. Ainsi, le Conseil national du sida rappelle que « sur un plan individuel, traitements et prévention ne se distinguent pas au regard du risque zéro » et que « le traitement peut constituer un instrument précieux pour éviter de nouvelles contaminations pour les personnes, qui de fait, pour de multiples raisons, n’utilisent pas ou pas toujours, ou pas de façon adéquate, le préservatif ». En fait, ce que les recommandations suisses disaient  et ce qu’aujourd’hui, la grande majorité des acteurs de la lutte contre le sida disent également est ceci : le traitement est désormais reconnu comme un outil ayant bien sûr un bénéfice individuel de réduction de la mortalité et morbidité mais également un bénéfice collectif permettant une réduction de la transmission de l’épidémie

 

En fait pour tout vous dire, je pense que la prévention est en train d’être renouvelée en profondeur dans une approche combinée de la prévention où se mêle promotion du préservatif, accès plus rapide au dépistage, traitement comme outil de prévention, prévention positive. C’est un chantier vraiment énorme qui s’ouvre devant nous. Un chantier pour lequel, nous acteurs de la lutte contre le sida, avons une vraie obligation de résultat, les 6.000 contaminations annuelles par an nous l’imposent.

 

Je vais désormais conclure mon intervention, en sortant quelque peu du sujet de la prévention, en parlant du rôle du politique dans la définition et surtout la réussite des innovations décidées sur la papier. Ne nous voilons pas la face : on peut avoir les meilleures intentions du monde et des idées formidables, rien ne se fera sans une volonté politique forte et déterminée. Seul le politique peut donner l’impulsion et les moyens nécessaires à la réalisation concrète des choses. En tant que citoyen, élu local, responsable d’une association de lutte contre le sida et personne touchée, j’essaie tout au long de l’année de jeter un pont entre le monde associatif et le monde politique, deux mondes qui, quelques fois, ne se comprennent pas, s’ignorent ou s’opposent. C’est une mission qui n’est pas simple, mais c’est un travail qui me paraît totalement indispensable. Je suis persuadé, et je reste persuadé, que, en effet, le sida se soigne aussi par la politique.

 

 Je vous remercie.

 

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