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Mon discours à la conférence de Montréal sur les droits humains

Au moment où s’affichera ce post que j’ai programmé hier après-midi, je serai sûrement à la cérémonie d’ouverture des 1ers Outgames de Montréal dans le stade olympique qui devrait faire le plein avec 40.000 spectateurs venus de plus de 100 pays.
Comme prévu, je suis intervenu samedi en fin de matinée au Palais des Congrès de Montréal à la Conférence Out for business organisée par la chambre de commerce gaie de Montréal. Cette rencontre s’intégrait dans le cadre de la Conférence internationale sur les droits humains des LGBT de Montréal qui s’est achevée hier dans l’après-midi par le vote d’une déclaration de Montréal et une belle intervention de l’ancienne championne de tennis Martina Navratilova [photo].
2000 personnes ont ainsi planché durant plusieurs jours sur les droits des LGBT qui sont loin d’être respectés dans le monde avec près de 80 pays des Nations-Unies qui pénalisent toujours l’homosexualité dont 9 la condamnent même à la peine de mort !
Pour revenir à mon intervention : elle devait en quelques minutes d’une part, rappeler les avancées françaises dans les droits des LGBT et d’autre part, évoquer les rapports entre commerce gay et sphère politique.
Je suis intervenu aux côtés du président de l’Assemblée nationale suisse, Claude Janiak, et du député républicain Donald P. Mains qui a dû défendre l’administration Bush qu’il représente et dont il est proche – il est l’ancien collaborateur de l’ex first lady Barbara Bush. Ce ne fut pas facile pour lui…
Je vous reproduis mon intervention et vous souhaite un excellent dimanche.


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medium_Montreal_2.2.jpgMon discours à la conférence de Montréal sur les droits humains [suite]

Intervention Jean-Luc Romero
Conférence “Out for business”
Conférence internationale sur les droits humains des LGBT
Montréal – samedi 29 juillet 2006

Monsieur le président, cher Pascal Lépine,
Monsieur le président du Conseil national suisse, cher Claude Janiak,
Monsieur le député, cher Donald P. Mains,
Mesdames, Messieurs,

En tant que président fondateur d’Elus Locaux Contre le Sida - association qui réunit en France plus de 13.000 élus de droite et de gauche qui s’engagent au quotidien depuis 11 ans contre le sida - mais également homme politique, vous souhaitez que je m’exprime sur la question des rapports entre commerce gay et sphère politique. Avant d’esquisser une réponse, j’aimerai vous faire part des avancées politiques en  faveur des droits LGBT en France comme vient de le faire pour la Suisse mon ami Claude Janiak. En effet, ces avancées politiques, qui ont permis une meilleure visibilité et une plus grande acceptation de la communauté homosexuelle dans la société, ont eu des conséquences fortes sur le commerce gay et c’est pour cela que je souhaiterai vous les exposer. Même si la France est loin d’être au niveau du Canada en matière d’égalité des droits.

1/ La lutte politique pour les droits LGBT


En tant que militant politique des droits LGBT, je pense que ce domaine ne peut avancer que si l’on prend cette thématique dans sa globalité. Cela passe par quatre volets d’actions : la répression de l’homophobie, l’éducation à la tolérance, à l’acceptation d’une orientation sexuelle différente, l’égalité des droits mais aussi la lutte contre le sida qui concerne particulièrement les gays avec 28% des nouvelles contaminations en France et même 40% au Canada. Sur chacun de ces volets, des avancées ont eu lieu en France ces dernières années.

La répression de l’homophobie
Le législateur français a, par une loi du 18 mars 2003, consacré l’homophobie comme circonstance aggravante lorsqu’un crime ou un délit est commis à raison de l’orientation sexuelle de la victime. En outre, via la création de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE), le 31 décembre 2004, le législateur a voté la pénalisation des propos publics homophobes, sexistes et handiphobes comme le sont actuellement les propos racistes. La loi ainsi votée concerne les injures, diffamation, et provocation à la haine à caractère discriminatoire, tenus par voie de presse ou d’affichage. Cette loi a vu sa première application il y a peu à l’encontre d’un parlementaire : Christian Vanneste, député français, procès auquel j’étais témoin. Il a été condamné à payer une amende de 3000 euros et à verser 3000 euros à chacune des trois associations qui s’étaient portées partie civile.

L’éducation à la tolérance
A cause de la difficulté de dire son homosexualité (le prévalence des tentatives de suicide est treize fois plus élevée chez les jeunes homosexuels que chez les jeunes hétérosexuels), il faut mettre en place des programmes d’éducation et de formation. De nombreux textes ont été publiés notamment des circulaires ministérielles (1996, 1998, 2001, 2002, 2003) et de recommandations diverses. En pratique, les résultats sont très inégaux, alors que les outils existent (par exemple mallette pédagogique) ; tout dépend en somme de la bonne volonté des recteurs, du personnel de l’éducation nationale ou encore des collectivités locales comme les 22 régions françaises. Il nous faut absolument en France progresser sur ce point même si la région Paris-Ile-de-France dont je suis élu a créé il y a bien longtemps un CRIPS qui fait un travail essentiel dans ce domaine auprès des lycéens franciliens.

L’égalité des droits
Selon moi, ne pas accorder les mêmes droits aux homosexuels nourrit incontestablement l’homophobie. Le vote du Pacs, texte à visée universelle mais consacrant une nouvelle forme de conjugalité ouverte aux homosexuels, a permis d’imposer le couple homosexuel dans notre droit. Mais cela n’équivaut pas au mariage. Loin de là ! De même sur le dossier de l’ouverture du don du sang aux homosexuels : je demandais depuis longtemps la substitution de la notion de comportements à risques à celui de groupes à risques, concept qui avait pour conséquence d’exclure définitivement un homosexuel alors qu’un hétérosexuel ayant des comportements à risques serait écarté provisoirement. Ma demande a été très récemment acceptée par le ministre de la santé et on ne peut que se féliciter de la fin de l’interdiction définitive faite aux homosexuels de donner leur sang, mesure qui était très stigmatisante. C’est d’ailleurs une question qui concerne particulièrement votre pays, car malgré la mobilisation de vos associations de lutte contre le sida et LGBT, le problème n’est pas résolu à ce jour.

La lutte contre le sida
Quand un gay sur dix en France - même un sur cinq à Paris - est séropositif, et plus généralement quand jamais autant de gens dans un pays et dans le monde ont vécu avec le sida – 40 millions dans le monde, 150.000 en France, 56.000 au Canada – la lutte contre cette pandémie doit être une priorité de santé publique, car je reste persuadé que le sida se soigne aussi par la politique. Elu séropositif – je suis malheureusement le seul à l’avoir dit publiquement en France et croyez-moi, ce n’est pas tous les jours simple -, j’ai obtenu en 2005 que le sida soit décrété grande cause nationale par le Premier ministre. Même si cette année 2005 n’a pas été à la hauteur de nos espérances, elle démontre qu’en France, les responsables politiques restent relativement attentifs à la question du VIH/sida. Transition : Depuis quelques années, le politique français s‘est donc saisi de cette question des droits LGBT et les avancées législatives ont permis d’améliorer la visibilité de la communauté homosexuelle. Ce panorama des avancées politiques sur les droits LGBT - encore insuffisantes cependant pour arriver à l’égalité ! - a été un peu long mais je crois qu’il était indispensable : tout d’abord parce que ici nous avons tous une responsabilité quant à l’amélioration des droits de la communauté que l’on soit élu, commerçant ou citoyen, d’autre part parce que ces avancées ont forcément eu un impact sur le commerce gay.

2/ La politique et le commerce gay

Le ralentissement de l’activité du commerce gay en France  
En France, le commerce gay est dans une situation assez morose ; dans la grande majorité des secteurs, on note un ralentissement de l’activité. Les chiffres donnés parlent même d’une baisse de 25% au troisième trimestre 2004. Il nous faut s’interroger sur les causes de ce ralentissement qui sont multiples: tout d’abord une situation économique qui n’est pas favorable avec un pouvoir d’achat en stagnation ; et oui il faut sortir de l’image d’Épinal selon laquelle les homosexuels seraient tous riches, les fins de mois sont tout aussi difficile pour les homosexuels !
Ensuite Internet : il constitue une concurrence redoutable, notamment aux lieux commerciaux de rencontre. Mais une situation économique difficile et l’arrivée d’Internet ne suffisent pas à expliquer ce ralentissement.
Plus généralement, je crois que les raisons sont plus profondes et liées à la meilleure acceptation de l’homosexualité dans la société française et une plus grande visibilité.
Cela peut paraître vraiment étonnant et assez paradoxal mais une plus grande visibilité de la communauté gay n’a pas forcément servi les intérêts des commerces gays, même si les commerces gays y ont largement contribué. Cette situation peut s’expliquer : il y a quelques années, ouvrir un commerce gay était un acte militant, un acte d’affirmation de la présence d’une communauté. Consommer dans ce commerce était également un acte militant. Le sentiment d’appartenir à un groupe était fort alors. Nécessaire même dans l’homophobie ambiante d’alors ! Les jeunes homosexuels sont nés dans un contexte différent, de meilleure reconnaissance sociale, de plus grande visibilité. Le réflexe communautaire ne joue plus autant, il n’y a plus ce « devoir » de consommer gay et il peut consommer dans une boutique « gay friendly ». Si l’on caricature, cela voudrait dire que le politique, en avançant sur les droits LGBT, aurait été à l’encontre des intérêts du business gay !
Alors pour le commerce gay, il faut innover, proposer des nouvelles choses, de nouveaux services.
La chambre de commerce gay a indéniablement un rôle important à jouer comme lieu de rencontre et d’échanges qui permet de faire naître de nouveaux projets. La chambre de commerce gay a aussi un rôle de lobbying politique pour représenter les intérêts de ses membres, mais aussi pour les défendre d’un environnement homophobe ou face parfois à un harcèlement policier. Dans cette optique et afin d’être le mieux représenté possible à ce niveau et d’avoir un impact important, je crois qu’il pourrait être intéressant de s’inspirer aussi d’une expérience française.
L’exemple d’une réel partenariat Etat / business gay : le SNEG En France, l’équivalent de la Chambre de commerce gay est le SNEG, syndicat national des entreprises gay. Même si il existe des différences de structures et d’objectifs entre ces deux organismes !
Selon moi, cette structure a réussi à s’imposer sur un plan politique, tout en étant une association de commerçants, en se basant sur une logique pas uniquement économique et en élargissant ses compétences à la santé publique.
En effet, le SNEG a conclu un partenariat unique au monde avec l’Etat français pour favoriser la prévention du sida dans les établissements gays. L’Etat finance un réseau original de 10 délégués régionaux qui assurent la distribution d’une communication et de matériel de prévention auprès des établissements gays, adhérents ou non-adhérents, assurant maillage national de prévention extrêmement efficace. Le SNEG assure la formation du personnel des établissements gays et a été à l’origine de la signature d’une Charte de responsabilité pour les établissements gays. Les établissements ont aussi accepté, par l’intermédiaire d’une coopérative, de financer préservatifs et gel. Cette structure, même si elle est quelquefois critiquée du fait de sa double casquette (commercial / associatif) a une vraie utilité dans le monde gay notamment des clubs et bars. Elle est à l’origine de nombreuses campagnes de prévention dans les lieux de sexe et face à l’augmentation significative des comportements à risque, ces campagnes doivent s’intensifier. Rappelons que 12% à 15% des homosexuels en France sont séropositifs. Alors que la prévalence est plus forte chez les gays au Québec qu’en France, sans doute que l’implication aussi bien de la chambre de commerce gay que des commerçants LGBT dans la lutte contre le sida et les IST pourrait être une « autre » façon d’être plus présent sur le plan politique que cela soit au niveau local que national.
D’autant que vous avez des problèmes particuliers liés à ce virus : nombreux employés contaminés ou difficultés pour les entrepreneurs séropositifs à emprunter et à s’assurer. Deux thèmes sur lesquels votre réflexion est essentielle pour les pouvoirs publics. Déterminante même.
En permettant la visibilité du monde économique et des affaires gays, en réfléchissant aux problématiques spécifiques qui concernent vos collaborateurs vivant avec le VIH, vous montrez que votre organisation peut apporter beaucoup, non seulement à la défense des LGBT, mais à l’économie en général, donc à toute la société.
Enfin votre « Visibilité » m’apparaît essentielle à double titre.
Elle montre aux homosexuels qui ont du mal à assumer leur identité qu’un gay peut réussir dans les affaires en assumant ce qu’il est !
Cette visibilité démontre enfin à la société toute entière que, outre le soutien aux revendications légitimes des LGBT pour obtenir l’égalité et être des citoyens à part entière, vous apportez aussi une part essentielle à la croissance de nos sociétés. Au même titre – ni plus, mais ni moins ! – que les hommes ou femmes d’affaires hétérosexuels.
En cela, votre existence est essentielle !
Je vous remercie.

Commentaires

  • Bravo pour la constance de vos engagements en France et de plus en plus dans le monde.

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