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  • Oui, l’homophobie - numérique - tue ! (Tribune publiée dans Le Plus - Obs)

    « @JeanLucRomero on peut aussi rêver d’une lapidation de l’immonde Romero en place publique en Iran… » / « un grand homme ce @JeanLucRomero ? Non, une sangsue, un parasite ! Une grosse merdre ! Une pourriture qui mériterait d’être pendue » / « 10% des Français vont mourir, mais un seul veut les tuer. Heil @JeanLucRomero » / « @JeanLucRomero Et les « cathos friendly » te pissent dessus. Pour ma part j’aimerais t’euthanasier au 9 mm » … Voilà quelques-uns des tweets homophobes que je reçois au quotidien. Alors, bien évidemment, les comptes sont supprimés quelques heures ou jours après et les messages homophobes, injures et appels aux meurtres se retrouvent quelques instants après sur d’autres comptes qui seront eux-mêmes supprimés quelques temps après … Même s’il peut être considéré que la meilleure des réponses à l’insulte est l’indifférence méprisante, j’ai souhaité saisir le procureur de la République et porter plainte contre les auteurs de quelques-unes de ces diatribes homophobes.
    Et j’irai jusqu’au bout ! Un premier procès est d’ailleurs prévu en octobre prochain contre une de ces twittos qui appelle à ma mort. En effet, pour ce qui me concerne, je pense avoir la peau dure, je suis un militant depuis de nombreuses années et je sais que ce combat pour l’égalité provoque l’ire des professionnels de la haine et des frustrés tellement heureux de penser qu’internet est un havre de paix propre à déverser leur haine et, soyons francs, leur mal-être. Mais qu’en est-il de toutes ces autres personnes qui sont discriminées et harcelées par les homophobes et les transphobes? Je souhaite rappeler que, selon une étude de 2013 de Sida info service, 81% des personnes homosexuelles interrogées évoquent au moins une situation discriminante vécue dans un des domaines de la vie quotidienne (moqueries, dénigrements, injures, harcèlements, outing, agressions physiques). Plus de 80 % des participants à l’étude vivent avec l’appréhension d’être discriminées. A la clé, mal-être, solitude, prises de risques mais bien sûr les harceleurs homophobes n’ont en cure et ça, cela ne peut être accepté dans notre démocratie ! D’où ma plainte que je qualifie presque de collective.
    De manière plus globale, je plaide pour que les réseaux sociaux soient beaucoup plus attentifs face à ce déferlement homophobe et transphobe. Le dernier rapport de SOS Homophobie, rendu public il y a quelques jours, constate qu’Internet est le principal vecteur d’homophobie avec près de 40% des signalements faits à l’association en 2014. Jusqu’à maintenant les réseaux sociaux, principalement Twitter, ne sont pas assez réactifs face à ce phénomène malgré les promesses et les tables rondes organisées avec les ministères concernés. Comme le note le SOS Homophobie, les sociétés américaines sont beaucoup plus promptes à réagir dès qu’il s’agit de droits d’auteur ou de pudibonderie…
    Concernant l’homophobie, on a plutôt l’impression objective et constatée d’un laisser-faire ! Cela ne peut durer.
    Bien évidemment, certains auront à cœur de se draper dans le sacro-saint principe de la liberté d’expression dans sa version la plus large, sans limite, dénonçant toute intervention sur ce sujet forcément, assurément et définitivement liberticide. Sur ce point, j’avoue mon ignorance, je pensais naïvement qu’un appel au meurtre était quelque chose susceptible de heurter légitimement un tant soit peu la loi française et surtout les Français ...
    D’autres diront que, entre les paroles et les actes, il y a un fossé très majoritairement infranchissable et qu’il faut plutôt prendre ça pour de l’humour, en tout cas avec de l’humour. Première réaction : sincèrement désolé, ça me fait pas rire, ni rire jaune, ni ricaner. J’essaierai de dire à mon voisin dans le RER que j’ai envie de le tuer pour voir sa réaction. Je ne suis pas persuadé qu’il rigole aux éclats… Deuxième réaction : oui, il n’y a pas forcément de passage à l’acte entre les paroles et les actes - encore heureux ! Que dois-je en conclure ? Que j’ai le droit d’avoir des paroles racistes, antisémites et homophobes parce que les paroles, finalement, ce n’est pas si pas grave que ça ? Allez dire ça aux familles des jeunes gays qui se suicident après un harcèlement homophobe subi au quotidien sur Facebook ou Twitter… Les dernières études montrent qu’un jeune homosexuel a au minima trois fois plus de risques de faire une tentative de suicide qu’un jeune hétérosexuel. Mais bien sûr, ce n’est la faute de personne…
    Alors, oui, l’homophobie numérique tue : il faut totalement en prendre conscience et la combattre à la hauteur des drames humains qu’elle provoque. A Facebook et Twitter d’agir en conséquence. A défaut, la justice devra leur rappeler le droit à l’intégrité et au respect de chaque citoyen de notre pays. Qu’il soit homo, hétéro ou trans …