Mon discours à la 20ème conférence mondiale des ADMD à Chicago
Chers amis,
Je suis Jean-Luc Romero-Michel, président de l’ADMD-France depuis 2007. L’ADMD réunit plus de 56.000 membres et est représentée sur le tout le territoire – y compris outre-mer – grâce à ses 130 délégations.
En introduction, je voudrais vous dire qu’un tout dernier sondage indique que 89% des Français sont favorables au droit de mourir dans la dignité. Et plus encore, 98% des Français de plus de 65 ans le sont.
Alors, me direz-vous, nous devrions avancer et la France devrait se doter très prochainement d’une loi sur l’euthanasie active et le suicide assisté. D’autant plus que François Hollande, lors de sa campagne, a fait la proposition de légaliser une aide à mourir et que le premier ministre, Manuel Valls, était le rapporteur, à l’Assemblée nationale, en 2009, d’une proposition de loi relative au droit de finir sa vie dans la dignité. Toutes les conditions sont donc réunies pour agir dans le sens que veulent les Français. Aucun risque politique puisqu’un tel dispositif est plébiscité depuis plus de vingt ans. Aucun risque juridique puisque nous avons en Europe de brillants précurseurs : Pays-Bas, Belgique et Luxembourg. Sans oublier le suicide assisté chez nos amis suisses.
Alors quoi…
C’était sans doute sans compter sur la peur panique qu’ont les gouvernants français de réformer notre société. François Hollande a pourtant réformé le mariage en l’ouvrant aux couples de même sexe. Mais l’ampleur des manifestations orchestrées par des fanatiques homophobes et violents l’a vacciné, semble-t-il, de toute autre réforme. Fut-elle – encore une fois – plébiscitée par les Français.
N’écoutant actuellement que ses conseillers dont l’un est – encore une fois – professeur de médecine, il lui semble devenu urgent d’attendre et de trouver une loi consensuelle.
Mais réforme-t-on en profondeur une société dans le seul consensus ? Le consensus, c’est le plus petit dénominateur commun. La mollesse. L’insatisfaction généralisée. Les pro sortent frustrés, les anti sortent trahis.
Je vais essayer de vous présenter d’abord ce qu’il s’est passé depuis l’élection de François Hollande au printemps 2012 (1), puis de vous décrire la situation actuelle et le ressenti de nos militants (2) et enfin ce que nous faisons pour obtenir la loi d’ultime liberté que nous revendiquons depuis 34 ans (3).
1) Que s’est-il passé depuis l’élection de François Hollande au printemps 2012 ?
Revenons à novembre 2011.
En novembre 2011, de manière concordante avec la 4ème Journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité, nous avons lancé une première campagne de communication : encart dans la presse, spot vidéo sur des grandes chaines de télévision, affiches et support visuel adressé à tous les parlementaires. Cette campagne représentait une femme intubée, dans un lit d’hôpital, avec le slogan suivant : « 94% des Français approuvent le recours à l’euthanasie ; la loi, toujours pas. ». Cette campagne a provoqué quelques marques d’intérêt, notamment par la divulgation de ce sondage montrant une fois encore que la quasi-totalité de nos compatriotes soutenait notre action. Nos opposants sortaient du bois et vidaient leurs cartouches. Malheureusement pour eux, sans savoir que notre véritable campagne devait intervenir quelques mois plus tard, en mars 2012.
Entre temps, nous avons ouvert, à la toute fin de l’année 2012, un blog reprenant la position de chaque parlementaire – député sortant ou sénateur – et de chaque candidat aux élections présidentielle et législatives avec la copie de la réponse faite à notre sollicitation écrite. Un gros travail pour rassembler toutes ces informations, mais une base essentielle pour que chaque Français sache à qui ira son vote.
En mars, le 24 mars, nous avions prévu une grande manifestation publique dans la rue, sur la place de la République, suivie d’un meeting au cours duquel les candidats à l’élection présidentielle pouvaient exprimer leur position sur la question de la fin de vie. Gros succès populaire, souligné par un soleil de printemps radieux. Tous les candidats furent présents ou représentés.
Cette connaissance des positions des différents candidats à l’élection présidentielle nous a permis de lancer notre deuxième grande campagne de communication. Nicolas Sarkozy, le président sortant, Marine Le Pen, candidate de l’extrême droite, et François Bayrou, candidat démocrate chrétien, grâce à un photomontage, étaient représentés dans un lit d’hôpital, à l’article de la mort. Campagne choc, aussi brutale que l’est la mort dans les conditions déplorables que nous connaissons en France. Enormément de réactions, plus ou moins modérées. Cette campagne, essentiellement virale, a fait le tour du monde. Des médias étrangers (russes, mexicains, canadiens, africains…) ont repris nos visuels, ont dépêché des journalistes pour nous interroger. Toute la classe politique française s’est positionnée – pour ou contre cette campagne – et est arrivée sans s’en douter là où nous voulions les emmener : à prendre partie clairement, dans les programmes électoraux, sur la légalisation de l’euthanasie. Ce fut la première fois que cette question était au cœur d’une campagne électorale. François Hollande en fit sa proposition n°21 alors que Nicolas Sarkozy rejetait toute possibilité de légiférer. François Hollande élu, les candidats socialistes à la députation reprirent cette proposition.
Manquait-il le visuel de François Hollande ? L’avenir proche nous le dira.