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Mon discours aux 18èmes Etats Généraux d'ELCS

Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Je suis toujours très heureux de vous retrouver à l’occasion de nos traditionnels Etats généraux d’Elus Locaux Contre le Sida, colloque qui permet, autour de la Journée mondiale de lutte contre le sida, de faire le bilan des politiques publiques sur le sida mais aussi de se projeter dans l’avenir avec des propositions, techniques ou sociétales.
Je vais commencer par un constat global. Aujourd’hui, lequel peut-on dresser ? Celui d’une France abimée. Je veux vous préciser aussitôt qu’il n’est pas question de faire de la politique politicienne. Cela n’a jamais été le cas à ELCS ; ce ne l’est pas aujourd’hui et ne le sera jamais. ELCS peut s’enorgueillir, depuis sa création, de compter une gouvernance composée d’élus de tous bords et cela a été confirmé par l’assemblée générale qui s’est tenue aujourd’hui à 14h. Toutes les mouvances sont représentées et c’est notre raison d’être ; le cœur tout autant que la richesse de notre association.
Donc, il ne s’agit pas de faire de la politique politicienne, mais de parler de notre société. Celle dans laquelle nous vivons. Celle dans laquelle nous voulons vivre.
A quoi assiste-t-on depuis quelques temps ? A la montée du racisme, à un dénigrement machiste, à un déferlement homophobe sans précédent… Une parole libérée, véhiculée par des outils de communication débridés. Le tout venant aussi bien du citoyen que des élus de la République, les uns et les autres se comportant en véritables délinquants dès lors qu’ils enfreignent les lois de notre République. Y compris celles relatives à la liberté d’expression, aux discriminations, aux insultes, aux appels à la haine…

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Au vu du nombre de ces débordements, personne ne peut plaider la simple maladresse ! Ou l’erreur. Il s’agit bien d’un mouvement profond, d’une volonté délibérée de diviser la société entre ceux qui seraient convenables, avec un sens de la morale et des valeurs, et les autres, les pervers, les détraqués, les profiteurs.
Tout ceci m’effraie. Comme malade – dont on dit que je couterais cher à la société ; comme homosexuel – dont on dit que je serais contre-nature ; comme fils d’immigré – dont on dit que je profiterais de la France.
Face à la montée de l’extrémisme dans les esprits, quid de la France, pays des droits de l’homme ? Quid de notre devise républicaine : « Liberté, Egalité, Fraternité », devise si fièrement proclamée mais qui a malheureusement du plomb dans l’aile ? Quid de notre contrat social qui permet de vivre ensemble ? Quid d’une France progressiste, tolérante et humaniste face à une France rétrograde, discriminante et moyenâgeuse voulue par certains ? Ne nous y trompons pas. Le respect des libertés individuelles ne s’inscrit pas dans un courant individualiste, mais bien dans l’intérêt général. A l’inverse, le moralisme que certains promeuvent, sous couvert de spiritualité, n’est que la volonté presque sectaire d’assurer la mainmise sur notre esprit et sur nos corps.

Discours de M. Jean-Luc Romero

Président d’Elus Locaux Contre le Sida

 

Etats généraux d’Elus Locaux Contre le Sida

27 novembre 2013 – Assemblée nationale

 

 

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

 

Je suis toujours très heureux de vous retrouver à l’occasion de nos traditionnels Etats généraux d’Elus Locaux Contre le Sida, colloque qui permet, autour de la Journée mondiale de lutte contre le sida, de faire le bilan des politiques publiques sur le sida mais aussi de se projeter dans l’avenir avec des propositions, techniques ou sociétales.

 

Je vais commencer par un constat global. Aujourd’hui, lequel peut-on dresser ? Celui d’une France abimée.

 

Je veux vous préciser aussitôt qu’il n’est pas question de faire de la politique politicienne. Cela n’a jamais été le cas à ELCS ; ce ne l’est pas aujourd’hui et ne le sera jamais. ELCS peut s’enorgueillir, depuis sa création, de compter une gouvernance composée d’élus de tous bords et cela a été confirmé par l’assemblée générale qui s’est tenue aujourd’hui à 14h. Toutes les mouvances sont représentées et c’est notre raison d’être ; le cœur tout autant que la richesse de notre association.

 

Donc, il ne s’agit pas de faire de la politique politicienne, mais de parler de notre société. Celle dans laquelle nous vivons. Celle dans laquelle nous voulons vivre.

 

A quoi assiste-t-on depuis quelques temps ? A la montée du racisme, à un dénigrement machiste, à un déferlement homophobe sans précédent… Une parole libérée, véhiculée par des outils de communication débridés. Le tout venant aussi bien du citoyen que des élus de la République, les uns et les autres se comportant en véritables délinquants dès lors qu’ils enfreignent les lois de notre République. Y compris celles relatives à la liberté d’expression, aux discriminations, aux insultes, aux appels à la haine…

 

Au vu du nombre de ces débordements, personne ne peut plaider la simple maladresse ! Ou l’erreur. Il s’agit bien d’un mouvement profond, d’une volonté délibérée de diviser la société entre ceux qui seraient convenables, avec un sens de la morale et des valeurs, et les autres, les pervers, les détraqués, les profiteurs.

 

Tout ceci m’effraie. Comme malade – dont on dit que je couterais cher à la société ; comme homosexuel – dont on dit que je serais contre-nature ; comme fils d’immigré – dont on dit que je profiterais de la France.

 

Face à la montée de l’extrémisme dans les esprits, quid de la France, pays des droits de l’homme ? Quid de notre devise républicaine : « Liberté, Egalité, Fraternité », devise si fièrement proclamée mais qui a malheureusement du plomb dans l’aile ? Quid de notre contrat social qui permet de vivre ensemble ? Quid d’une France progressiste, tolérante et humaniste face à une France rétrograde, discriminante et moyenâgeuse voulue par certains ?

 

Ne nous y trompons pas. Le respect des libertés individuelles ne s’inscrit pas dans un courant individualiste, mais bien dans l’intérêt général. A l’inverse, le moralisme que certains promeuvent, sous couvert de spiritualité, n’est que la volonté presque sectaire d’assurer la mainmise sur notre esprit et sur nos corps.

 

Elus Locaux Contre le Sida doit prendre sa place dans ce combat pour une France plus juste et plus humaine. N’allez pas croire que nous avons la prétention démesurée de nous voir bien trop grands et de nous considérer unique opérateur de transformation sociale - pour paraphraser les mots de Jonathan Mann. N’allez pas non plus croire que nous nous lançons pour tel ou tel parti. Ce que nous voulons, à notre échelle, et sans nous exonérer de nos responsabilités, c’est défendre une certaine vision de la société : ouverte, humaine et solidaire. Car après tout, nous ne le savons que trop bien, le lien est très clair et largement documenté entre respect des droits de l’Homme et prévention du sida. Il n’est pas seulement question ici de sérophobie, phénomène toujours aussi important et fort à cause notamment d’un niveau d’information trop peu élevé, source de fausses idées et de stigmatisation, mais bien plus de prévention structurelle. On peut élargir le débat sur la question de la double discrimination. Je prendrai deux exemples thématiques : d’une  part la question LGBT et, d’autre part, celle concernant les usagers de drogues.

 

Sur les LGBT : ai-je besoin de rappeler le contexte que nous vivons depuis maintenant plusieurs mois ? Ce déferlement homophobe sans précédent ; cette homophobie complètement décomplexée depuis le débat sur l’ouverture du mariage pour toutes et pour tous ; ces attaques incessantes. Sous couvert du débat démocratique dont aime se draper ses pires ennemis, c’est bel et bien non pas un débat sur les droits auquel nous avons pu assister, mais bien plus un tsunami d’homophobie haineuse pour laquelle l’homosexualité est contre-nature et, en somme, impensable et inacceptable. Rappelez-vous quand même que certains ont prédit la fin de la civilisation si le mariage était ouvert aux personnes de même sexe.

 

Aujourd’hui, me semble-t-il, notre civilisation n’a pas été mise en danger par plus d’amour, plus de protection, plus de respect des différences. Mais elle est mise en danger par l’intolérance, la haine, le rejet des différences, l’exclusion et la bêtise de ceux qui défilent en bêlant.

 

Permettez-moi pour illustrer mes propos de citer les insultes, menaces et appels au meurtre que je reçois au quotidien, notamment sur Twitter. Je vous livre quelques exemples récents :

- « Une pourriture qui mériterait d’être pendue »

- « J’aimerais t’euthanasier au 9 millimètres »

- « On peut aussi rêver d’une lapidation de l’immonde Romero en place publique en Iran… » L’Iran, n’est-ce pas d’ailleurs là que madame Boutin, voilée, était reçue par les médias ?

 

Vous conviendrez qu’il n’est pas utile que je vous commente cette prose, pour laquelle j'ai d'ailleurs saisi le Procureur de la République. Mais si les militants dont je fais partie peuvent entre guillemets supporter cela, qu’en est-il des jeunes en pleine construction, fragilisés par la découverte d’une différence pourtant bien naturelle ?

 

Je vous rappelle ce terrible chiffre : les jeunes homosexuels ont treize fois plus de risques de faire une tentative de suicide que les jeunes hétérosexuels. Les représentants des associations de terrain présents dans la salle peuvent témoigner de cette situation et nul doute qu'ils confirmeront les conséquences fortes sur les jeunes homosexuels du débat sur le mariage pour tous.

 

Alors, le lien est évident entre octroi des droits, estime de soi et prévention du VIH. Je ne vais pas revenir sur les multiples études qui existent affirmant que les droits LGBT sont une composante essentielle d’une politique de lutte contre le VIH/sida efficace. En matière de lutte contre le sida en direction des gays, nul doute que les réponses sanitaires doivent, de manière totalement nécessaire, se doubler d'une réponse sociétale.

 

Je ne veux pas clore ce chapitre sans évoquer ce qui se passe en Russie, à quelques mois de l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver, à Sotchi. Ce qui va se passer en 2022 au Qatar lors du Mondial de football. Ce que le Koweit prépare en matière de test pour déceler l’homosexualité de ses visiteurs. Un test, tiens… Vieux souvenir d’une époque de barbarie…

 

Le second exemple que je voulais prendre est celui des usagers de drogue et la politique de réduction des risques. Je ne vais pas revenir sur l'historique de cette politique, légalisée depuis quelques années. Nous en connaissons tous les excellents résultats, l'association Gaia nous les a rappelés. Rappelons simplement que cette politique est tout autant une politique sanitaire que sociétale ; mais c'est aussi une politique résolument citoyenne ! Pour avancer dans le domaine, il faut affirmer que l'usager a, comme n'importe quel citoyen, le droit à la santé et à la dignité.

 

Le débat sur l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque a été au cœur de l'actualité pendant quelques mois avec ce « stop » provisoire qu'a été l'avis consultatif du Conseil d'Etat : cela permit de mettre la RDR au cœur de l'agenda médiatique et politique, la RDR et ses améliorations et évolutions nécessaires  face notamment au défi du VHC. Toutes les études démontrent l'efficacité de cette politique alors qu'est ce qui bloque ? La vision de l'usager, l'usager injecteur qui serait forcément un délinquant en marge de la société. Aujourd'hui, le combat des associations est de faire changer le regard sur l'usager. L'usager  est un citoyen et à partir de ce moment là, je le redis, il a des droits, notamment le droit à la santé et à la dignité !

 

Je souscris totalement à ce qu’a dit l’association Gaia. Selon moi, pour avancer sur ce droit à la santé et à la dignité, on peut classer les améliorations en matière de RDR via trois axes : extension de la RDR dans ses lieux d’application, approfondissement de la RDR via la mise en place de nouveaux outils et réforme de la loi de 70.

 

Quand je parle d’extension de la RDR dans ses lieux d’application, je pense en premier lieu au monde carcéral.  Car oui, bien sûr, il y a des usagers en prison et ils ont le droit au respect de leur droit à la santé. Les taux de prévalence au VIH et au VHC y sont très élevés et préoccupants : 2 % pour le VIH et près de 5% pour le VHC. Face à ce constat, l’offre de RDR est bien trop faible par rapport au milieu libre : un accès très inégal aux traitements de substitution, un accès à l’eau de javel non systématique, des programmes d’échange de seringues inexistant. C'est une erreur fondamentale que de ne pas mettre les dispositifs de RDR en prison. C'est une erreur humaine et un crime contre les personnes, une erreur sanitaire au regard des très bons résultats de cette politique appliquée en prison chez certains de nos voisins européens et une erreur juridique car après tout la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades reconnaît dans son article L110-1 que « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous les moyens disponibles au bénéfice de toute personne ». L’article continue en des termes non équivoques : « les autorités sanitaires (…) contribuent à garantir l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé » et ainsi « assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible ». Ce droit fondamental à la santé qui comprend donc l’accès aux dispositifs de RDR trouve-t-il ses limites quand on entre en prison ? Assurément pas. Voilà pourquoi la RDR doit entrer définitivement et complètement dans les lieux de privation de liberté.

 

En second lieu, il nous faut approfondir les outils de RDR. On l’a assez dit, la salle de consommation à moindre risque est un outil qui pourrait permettre de compléter un panel en fonction des besoins constatés et après un diagnostic local précis. Mais bien évidemment, les acteurs de terrain réfléchissent à d'autres systèmes et d'autres outils qui pourraient permettre de faire face aux différentes situations.

 

Je ne prendrai que deux exemples. Le premier outil, c'est la prescription d’héroïne sous contrôle médical pour les personnes les plus dépendantes. J'en ai souvent discuté avec le docteur Zullino à Genève et je suis convaincu de la pertinence de ce type de programme. D'ailleurs, pour rappel, dans le cadre du référendum tenu le 30 novembre 2008, les Suisses ont appuyé à 68 % la révision de la loi sur les stupéfiants basée sur quatre piliers dont le traitement avec prescription d’héroïne. A 76% même, à Genève, ville pilote de cette politique. Le second outil c'est le programme ERLI et la possibilité, de manière officielle, d'accompagner à l'injection dans les CAARUD.

 

Ceci étant dit, je pose la question : de celui qui refuse les nouveaux outils de RDR ou de celui qui s'injecte des drogues, qui est le plus irresponsable des deux ?

 

Parce que le cœur des choses, il est bien là : la loi de 70 qui érige l'usager en tant que délinquant est une hérésie qui entraîne une surpopulation carcérale, qui constitue un obstacle à une politique de prévention efficace et plus largement valide la vision exclusive de l'usager comme délinquant. Le traitement pénal de la toxicomanie et cette guerre à la drogue est un échec dont il faut absolument sortir. Et pour cela, il n'y a qu'une seule vraie solution : réformer la loi de 70 ! Ce ne sera pas un débat simple mais l'avis du conseil d'Etat sur les salles de consommation a ouvert la voie et il est de la responsabilité du politique d'ouvrir ce débat qu'on a évité depuis bien trop longtemps.

 

J'ai pris ces deux exemples thématiques à dessein pour bien démontrer les liens entre respect et promotion des droits de l'homme et prévention du VIH/sida. Quel est le trait d'union entre ces deux notions ? L'action politique.

 

Je le répète souvent mais, à ELCS, nous sommes convaincus que le sida se soigne aussi par la politique avec donc l'investissement de tous les élus de droite comme de gauche mais aussi de tous les élus qu'ils soient nationaux ou locaux. Car oui, le local peut faire beaucoup dans la lutte contre le VIH/sida, que ce soit en termes de prévention, d'information et d'éducation que d'aide et de soutien aux malades. Les élus locaux, en première ligne tout au long de leur mandat, ont toute légitimité pour intervenir.

 

En mars 2014 se tiendront les élections municipales, des élections qui vont redessiner la France des territoires. Des élections au cours desquelles ELCS va lancer un questionnaire sous forme d'appel composé de plusieurs engagements de campagne. Les réponses, nous les considérerons comme des bases de travail et pas uniquement comme des promesses de campagne. Plus largement, ELCS continuera ce bruit de fond indispensable, via notamment la création d'un maillage de villes ayant candidaté et obtenu le label Ville engagée contre le sida. Ainsi, c'est Annecy qui est devenue, il y a quelques jours, la 4ème ville à obtenir ce label. Bientôt d'autres villes – notamment Béthune le 29 novembre et Montpellier le 2 décembre – vont suivre. Notre but est de créer un véritable réseau de villes engagées contre le sida et de créer ainsi un corpus de bonnes pratiques.

 

Je vais conclure.

 

J'ai peur de cette France divisée. Pourtant, comme citoyen et militant associatif, j'ai de l'espoir.

 

Nous devons nous unir autour de la devise de notre République : Liberté, Egalité, Fraternité. Nous devons nous en servir comme le socle pour créer une nouvelle société où l'autre, quelle que soit sa différence ou son origine, aura les mêmes droits et les mêmes devoirs. Une société où les maladies, toutes les maladies, seront prises en charge de façon égale. Une société où la liberté de chacun, dès lors qu’elle ne remet pas en cause l’équilibre global, sera protégée. Une société simplement plus humaine.

 

Je vous remercie.

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