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Mon discours à la remise de décoration à Rudoph Brazda* (*dernier survivant de la déportation homosexuelle)

Madame le député, chère Joëlle,
Madame la présidente,
Chère Marie-José Chombart de Lauwe,
CherRaymond Aubrac,
Cher Rudolf Brazda, Cher Jean-Luc

C’est seulement quelques jours après le 66e anniversaire de la libération des camps nazis, après la Journée nationale du souvenir de la déportation, que vous avez choisi, madame le député, de distinguer Marie-José Chombart de Lauwe, Raymond Aubrac et Rudolf Brazda, ici présents, dans l’éclatant triomphe de la vie sur la barbarie, sur la nuit et sur le brouillard.
Avant de parler de Marie-José, de Raymond et de Rudolf, quelques mots très simples, madame le député, très affectueux, pour vous dire combien je suis sensible à votre détermination exemplaire et admirable afin que la Nation française distingue aujourd’hui les survivants d’une époque effroyable, ceux dont la vie a été soumise à l’arbitraire et la sauvagerie. A vous madame le député, chère Joëlle, au-delà de l’amitié sincère et fidèle que je vous porte, je veux dire mes remerciements.
Je me tourne vers vous trois, Marie-José Chombart de Lauwe, Raymond Aubrac, Rudolf Brazda. Comment ne pas être ému devant vous ?

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A côté de vous trois – et comment ne pas penser à Lucie Aubrac également – nous voyons s’élever les belles mémoires de Marie-Claude Vaillant-Couturier, de France Bloch-Sérazin, d’Henry Frénay, d’Emmanuel d’Astier de La Vigerie, d’Yvon Morandat, de Raymond-Losserand, de Charles Delestraint. Nous voyons aussi se refermer les portes de la Santé, de Ravensbrück, de Mauthausen, de Buchenwald.

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Regardez bien, jeunes gens. L’histoire se projette aujourd’hui devant vous. Ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ont souffert constitue votre héritage. Le plus ignoble des héritages, mais aussi le plus beau.
Il n’y a pas si longtemps de cela, des hommes, parce qu’ils étaient juifs, homosexuels, tziganes, différents ont franchi le styx vers un enfer insondable d’où ils ne devaient pas revenir.
Il n’y a pas si longtemps de cela, des femmes et des hommes se sont dressés au risque de leur vie – mais leur vie leur semblait si peu de chose au regard des valeurs qu’ils défendaient – pour résister à l’envahisseur casqué et botté.

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Il n’y a pas si longtemps de cela, des hommes ont pleuré. Le frère que l’on séparait de sa sœur. La mère, de ses enfants. L’homme, de son amant.
Cet héritage, jeunes gens, il vous appartient de le défendre. Chaque renoncement est un pas vers la barbarie. Vous ne devez accepter aucune compromission. L’intolérance, la bêtise, le rejet conduisent forcément à l’abject, à l’ignoble, à l’irréparable.
Malgré mon émotion, je pourrais parler des he

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ures durant de vos vies, de vos combats, de votre humanisme. Malgré mon angoisse à l’évocation de ces moments si sombres, je pourrais également parler des heures durant de la honte qu’en tant qu’homme j’éprouve au souvenir de ce que d’autres hommes ont commis.
Permettez-moi d’avoir un mot plus personnel pour Rudolf Brazda à qui la République française, si justement mais si tardivement, a décidé de remettre les insignes de chevalier de la légion d’honneur. Un mot auquel s’associe notre éditeur Florent Massot retenu à l'étranger cet apres-midi.

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Remise des insignes de chevalier

dans l’ordre de la Légion d’honneur

à Rudolf Brazda

 

Discours de Jean-Luc Romero

Collège Maréchal-Leclerc de Puteaux

Jeudi 28 avril 2011

 

 

 

Madame le député, chère Joëlle,

Madame la présidente,

Chère Marie-José Chombart de Lauwe,

Cher Raymond Aubrac,

Cher Rudolf Brazda,

 

C’est seulement quelques jours après le 66e anniversaire de la libération des camps nazis, après la Journée nationale du souvenir de la déportation, que vous avez choisi, madame le député, de distinguer Marie-José Chombart de Lauwe, Raymond Aubrac et Rudolf Brazda, ici présents, dans l’éclatant triomphe de la vie sur la barbarie, sur la nuit et sur le brouillard.

 

Avant de parler de Marie-José, de Raymond et de Rudolf, quelques mots très simples, madame le député, très affectueux, pour vous dire combien je suis sensible à votre détermination exemplaire et admirable afin que la Nation française distingue aujourd’hui les survivants d’une époque effroyable, ceux dont la vie a été soumise à l’arbitraire et la sauvagerie. A vous madame le député, chère Joëlle, au-delà de l’amitié sincère et fidèle que je vous porte, je veux dire mes remerciements.

 

Je me tourne vers vous trois, Marie-José Chombart de Lauwe, Raymond Aubrac, Rudolf Brazda. Comment ne pas être ému devant vous ?

 

A côté de vous trois – et comment ne pas penser à Lucie Aubrac également – nous voyons s’élever les belles mémoires de Marie-Claude Vaillant-Couturier, de France Bloch-Sérazin, d’Henry Frénay, d’Emmanuel d’Astier de La Vigerie, d’Yvon Morandat, de Raymond-Losserand, de Charles Delestraint. Nous voyons aussi se refermer les portes de la Santé, de Ravensbrück, de Mauthausen, de Buchenwald.

 

Regardez bien, jeunes gens. L’histoire se projette aujourd’hui devant vous. Ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ont souffert constitue votre héritage. Le plus ignoble des héritages, mais aussi le plus beau.

 

Il n’y a pas si longtemps de cela, des hommes, parce qu’ils étaient juifs, homosexuels, tziganes, différents ont franchi le styx vers un enfer insondable d’où ils ne devaient pas revenir.

 

Il n’y a pas si longtemps de cela, des femmes et des hommes se sont dressés au risque de leur vie – mais leur vie leur semblait si peu de chose au regard des valeurs qu’ils défendaient – pour résister à l’envahisseur casqué et botté.

 

Il n’y a pas si longtemps de cela, des hommes ont pleuré. Le frère que l’on séparait de sa sœur. La mère, de ses enfants. L’homme, de son amant.

 

Cet héritage, jeunes gens, il vous appartient de le défendre. Chaque renoncement est un pas vers la barbarie. Vous ne devez accepter aucune compromission. L’intolérance, la bêtise, le rejet conduisent forcément à l’abject, à l’ignoble, à l’irréparable.

 

Malgré mon émotion, je pourrais parler des heures durant de vos vies, de vos combats, de votre humanisme. Malgré mon angoisse à l’évocation de ces moments si sombres, je pourrais également parler des heures durant de la honte qu’en tant qu’homme j’éprouve au souvenir de ce que d’autres hommes ont commis.

 

Permettez-moi d’avoir un mot plus personnel pour Rudolf Brazda à qui la République française, si justement mais si tardivement, a décidé de remettre les insignes de chevalier de la légion d’honneur. Un mot auquel s’associe notre éditeur Florent Massot retenu à l'étranger cet apres-midi.

 

Vous, un enfant de Bohème né tout juste avant la 1ère guerre mondiale, avez franchi le sinistre portail du camp de Buchenwald. Vous y avez survécu trois années dans des conditions que nul ici ne peut imaginer, où l’insoutenable le disputait à l’abject. Vous en êtes revenu. Vous êtes devenu ce que vous étiez alors, un jeune homme qui aime la danse, les rires et les hommes. L’amour des hommes, voilà le crime qui vous a valu de connaître la nuit.

 

Entendons alors l’ignominie du chef de la sinistre SS, Heinrich Himmler, qui affirme en 1940 que « l’homosexuel est un homme radicalement malade » et qu’« Il faut abattre cette peste par la mort ».

 

Oui, jeunes gens, peut-être ne le savez-vous pas, les nazis ont déporté des hommes, seulement en raison de leur amour d’une personne du même sexe. Il n’y a pas de honte à l’ignorer, vos livres d’histoires abordent peu, voire pas du tout, cette déportation. Pourquoi donc ? Les larmes d’un homosexuel auraient-elles moins de valeur que les larmes d’une autre femme ou d’un autre homme ?

 

Car dans ces sinistres camps, à l’humiliation de porter un triangle rose comme la couleur des petites filles, s’ajoutait un traitement particulièrement odieux qui consistait en une tentative chimérique de rééducation. Expériences pseudo-médicales, viols, castration brutale, lobotomie. Comme un tigre conserve sa fourrure tachetée, l’homosexuel conservait pourtant son attirance singulière.

 

Malgré tout cela, il a fallu près de soixante ans à la République française pour reconnaître cette vérité historique. Soixante années… Et j'en profite pour saluer l'immense travail des "Oubliés de la mémoire" pour cette reconnaissance. Aujourd’hui, encore, il est des hommes, parfois des élus de notre Nation, qui considèrent que certains comportements humains sont inférieurs aux autres. Aujourd’hui, encore, il est des hommes qui, par leur absence de protestation devant de telles affirmations, sont coupables de complicité.

 

Aujourd’hui, alors que la République vous honore si justement mais bien tardivement, je souhaite associer à cet instant magnifique la mémoire d’Edi, ce jeune homme à qui vous avez scellé votre vie durant plus de cinquante années, et dire à la face du monde, à la face de vos tortionnaires, à la face de ceux qui nous insultent encore, combien je suis fier de célébrer la vie et l’amour. Toutes les vies et tous les amours.

 

Je vous remercie, chère Marie-José Chombart de Lauwe, cher Raymond Aubrac et cher Rudolf Brazda de nous permettre aujourd’hui de nous rappeler et de réfléchir.

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