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Mon message aux journées de l’ANITEA

Message de Jean-Luc Romero

Journées nationales de l’ANITEA

10 et 11 juin 2010 – Arcachon

 

 

Mesdames, Messieurs, chers amis,

 

Je ne peux malheureusement être à vos côtés pour ces journées nationales de l’ANITEA et croyez bien que je le regrette sincèrement, tant les sujets abordés durant ces deux jours sont importants. En outre, je pense que nous sommes vraiment à un tournant de la politique de RDR. En effet, revenons quelques années en arrière : 2004 a été une année extrêmement marquante pour la RDR puisque elle a été inscrite dans la loi et son institutionnalisation a été concrétisée par la création des CAARUD. Cette loi est évidemment un progrès considérable, un progrès attendu par tous et long à venir. Au-delà de l’aspect symbolique de la reconnaissance de la RDR par les pouvoirs publics, cette loi a eu de nombreux avantages très concrets: sécurisation financière quant aux budgets des structures, sécurisation juridique, meilleure image des structures aussi bien auprès des institutionnels que des riverains et du grand public.

 

Pour autant avec le recul nécessaire, les questions fusent: cette institutionnalisation attendue depuis longtemps n’est-elle finalement pas facteur de blocage, n’a-t-elle pas sapé l’énergie militante ? N’a-t-elle pas tué l’innovation et l’expérimentation, moteurs de la RDR pendant 20 ans ? Les CAARUD n’ont-ils pas mis sous tutelle la RDR et ainsi réduit la marge de manœuvre des acteurs associatifs et des militants ?

 

 

Message de Jean-Luc Romero

Journées nationales de l’ANITEA

10 et 11 juin 2010 – Arcachon

 

 

Mesdames, Messieurs, chers amis,

 

Je ne peux malheureusement être à vos côtés pour ces journées nationales de l’ANITEA et croyez bien que je le regrette sincèrement, tant les sujets abordés durant ces deux jours sont importants. En outre, je pense que nous sommes vraiment à un tournant de la politique de RDR. En effet, revenons quelques années en arrière : 2004 a été une année extrêmement marquante pour la RDR puisque elle a été inscrite dans la loi et son institutionnalisation a été concrétisée par la création des CAARUD. Cette loi est évidemment un progrès considérable, un progrès attendu par tous et long à venir. Au-delà de l’aspect symbolique de la reconnaissance de la RDR par les pouvoirs publics, cette loi a eu de nombreux avantages très concrets: sécurisation financière quant aux budgets des structures, sécurisation juridique, meilleure image des structures aussi bien auprès des institutionnels que des riverains et du grand public.

 

Pour autant avec le recul nécessaire, les questions fusent: cette institutionnalisation attendue depuis longtemps n’est-elle finalement pas facteur de blocage, n’a-t-elle pas sapé l’énergie militante ? N’a-t-elle pas tué l’innovation et l’expérimentation, moteurs de la RDR pendant 20 ans ? Les CAARUD n’ont-ils pas mis sous tutelle la RDR et ainsi réduit la marge de manœuvre des acteurs associatifs et des militants ?

 

Bien évidemment je ne peux pas répondre à ces questions de façon définitive, je vais juste vous donner mes impressions et quelques réflexions en tant qu’élu et président de l’association Elus Locaux Contre le Sida. Préalablement je voudrais juste faire deux remarques.

 

Premièrement, sur le cadre qu’a posé ce processus contraignant qu’est l’institutionnalisation : l’institutionnalisation a posé un cadre strict, peut-être trop strict pour certaines structures de taille relativement réduite, ce qui pose de réels problèmes en termes notamment de moyens humains – qui pour faire les évaluations assez longues et fastidieuses ? –. Avec les CAARUD, c’est toute l’adaptabilité au terrain et la réactivité qui sont rendues beaucoup compliquées à assurer principalement pour ces petites structures. De même, les CAARUD ont posé un réel problème quant aux salariés : alors qu’on érige le principe de l’usager comme acteur de santé bien peu ont pu être engagés, l’expérience comptant bien moins que les diplômes selon les critères décidés ! On pourrait avoir l’impression que les CAAARUD n’accordent plus la place centrale à la personne et que ces structures sont plus axés sur le soin et donc le médico-social.

 

Deuxièmement sur le contexte global dans lequel doivent évoluer les CAARUD. On peut légitimement se poser la question : quid de l’efficacité de ces structures dans un contexte toujours plus répressif ? La RDR fait l’objet d’attaques régulières de la part des parlementaires, de très nombreux usagers sont incarcérés seulement pour simple usage – les peines planchers n’ayant fait qu’empiré la situation – et la politique de la MILDT axée sur le tout répressif n’engage pas à l’optimisme.

 

Je pense que la responsabilité du politique est très clairement engagée. Disons le sans ambages : un politique lambda préférera en très grande majorité défendre une vision idéologique et répressive de la toxicomanie plutôt qu’une vision pragmatiques et vidée des préjugés moraux ; le risque électoral est bien plus faible ! Mais ce faisant il va contre l’intérêt de la santé publique.

 

Que faire alors ? Je crois que deux défis sont à relever : celui de l’information et celui de l’innovation, les deux étant intimement liés

 

L’information tout d’abord. En France, en ce qui concerne les toxicomanies, la décision politique ne se fait pas via un processus rationnel à la recherche de l’intérêt général : elle est intimement liée à l’opinion publique. C’est dommage mais c’est comme ça :il faut donc gagner la bataille de l’opinion publique et je crois que l’exposition médiatique très forte sur les salles de consommation a permis de dediaboliser un secteur qui, soyons francs, fait peur à nombre de nos concitoyens. Pour améliorer la politique de réduction des risques, il faut donc informer le grand public sur ses résultats et ainsi convaincre nos concitoyens de sa pertinence. C’est, je crois, un vrai défi totalement indispensable à relever. Ce n’est que comme cela que les innovations pourront voir le jour, seront acceptées et soutenues par les élus.

 

Le défi de l’innovation est tout aussi important : éducation aux risques liés à l’injection, programme d’héroïne médicalisée, salle de consommation à moindre risque, autant d’axes envisageables et envisagées afin de répondre aux défis actuels comme celui de l’hépatite C. Mais l’innovation est-ce encore possible avec l’institutionnalisation ? Je ne vais évidement rien vous apprendre tant sont nombreux dans cette salle les acteurs qui était à l’origine de ce combat, la RDR s’est construit bien souvent avec des bouts de ficelle avec comme seul soutien et moteur l’énergie militante. Aujourd’hui on a l’impression que les structures sont un peu en position défensive, qu’il faut que tout rentre dans les cases et qu’il faut préserver ce que l’on a. Permettez-moi d’être un peu provocateur et de vous poser la question : la professionnalisation induite par les CAARUD aurait elle éteint le feu militant pour le remplacer par une tiédeur administrative ? Sincèrement je ne le crois pas. Le feu existe, il faut peut-être souffler un peu dessus …

 

Prenons un exemple très concret : le débat sur les salles de consommation qui a connu une vraie exposition médiatique et c’est tant mieux. Alors je ne vais pas revenir sur les avantages sanitaires et sociaux aussi bien sur le plan individuel que collectif  que pourrait avoir la mise en place de telles structures en France, ils sont bien connus par vous tous. La mairie de Paris et le Conseil régional d’Ile-de-France se sont engagés en finançant une étude sur le sujet. Tant mieux c’est un bon début. Mais je crois qu’il faut changer de braquet : je souhaite que sur le plan national de réels engagements soient pris. Du concret ! Assez des évaluations, des réunions de préfiguration etc etc. Nous voulons du concret ! Les pouvoirs publics au premier rang le ministère de la santé doivent prendre ses responsabilités quant à un type de structure qui marche : pour s’en rendre compte les responsables politiques n’ont qu’à aller en Suisse, en Espagne, en Allemagne ! Je le répète il faut changer de braquet, mettre en place ces structures et tout programme permettant une amélioration de la santé publique. Ce que nous demandons au monde politique c’est assez simple : c’est du courage ! Le courage d’affronter une réalité sans se cacher derrière des arguments moraux, idéologiques, arguments d’un autre âge. Ce que nous demandons au politique, ce sont des actes !

 

Je vous remercie.

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