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Mon interview au site anglais London24.com

Questions for Jean-Luc Romero, French politician, AIDS campaigner and assisted dying activist

Many people don’t consider their death until later life, or they are diagnosed with an illness. How can society encourage people to consider these issues sooner, when they are more able to make plans?

 

Votre question dépasse notre combat à l’ADMD. Vous touchez là à la philosophie et à l’acceptation par l’Homme de sa propre finitude. Je pense que l’éducation pourrait avoir un effet dans la prise de conscience précoce de la nécessité d’organiser sa fin de vie. Il faudrait également que nos sociétés se réapproprient leurs morts et ne les cachent plus dans des hôpitaux ou des mouroirs comme elles le font trop souvent depuis quelques années. Mourir est la seule certitude de notre vie. Il faut l’accepter. Et nos morts ne doivent pas être effacés de notre quotidien. A l’ADMD, nous avons depuis quelques années une section Jeunes particulièrement dynamique afin de mobiliser les générations les plus jeunes (18-35 ans). Je suis convaincu que penser tôt à la mort est un moyen de mieux vivre sa vie et de mieux aimer ses proches, car quand on a compris que tout doit s’arrêter un jour, on profite mieux et pleinement des moments présents.

 

How did your HIV diagnosis change your feelings about your own mortality?

 

Lorsque l’on vit depuis très jeune avec un virus mortel, on prend rapidement conscience que tout peut s’arrêter dès demain. A 25 ans, j’ai su que je ne vivrais pas au-delà de 30. Et même si la médecine m’a accordé un répit bienvenu, j’ai déjà conceptualisé ma propre mort. En l’apprivoisant très jeune, j’ai appris à la connaître et, finalement, à ne pas en avoir peur. Croyez-moi, c’est une force au quotidien comme je l’écris dans mon dernier livre Ma mort m’appartient…

 

Why did you choose London as your venue to speak about this issue?

 

J’ai été invité par les membres du conseil d’administration de l’association Dignity in Dying à m’exprimer devant eux. Déjà, en 2013 et en 2014, je m’étais exprimé devant leur assemblée générale qui réunissait un millier de personnes à Londres, à côté des Houses of Parliament. Et c’est avec plaisir que j’ai présenté à nos amis d’outre-Manche les évolutions politiques françaises en matière de législation sur la fin de vie, alors que le Gouvernement essaie de nous présenter comme une grande avancée législative un droit de mourir de faim et de soif, sous sédation, lorsque les souffrances deviennent trop importantes. Dans un livre que j’ai fait traduire en anglais, intitulé ma « Mort m’appartient – 100% des Français vont mourir, les politiques le savent-ils ? », j’explique la genèse de mon combat, la réalité des situations chez nos voisins Néerlandais, Belges, Luxembourgeois et Suisses, et les demandes légitimes de nos compatriotes qui souhaitent à plus de 90% la légalisation de l’euthanasie active. Les chiffres sont proches dans votre pays.

 

If assisted dying were to become legal, what safeguarding measures would you like to see put in place to protect people from being killed for access to their estate, for example?

 

 Il est toujours curieux d’entendre cette question alors qu’aujourd’hui, les médecins font à peu près ce qu’ils veulent, que l’avis du patient compte assez peu et que la famille doit décider à sa place ; autant de « libertés » qui permettent toutes les dérives, y compris l’homicide volontaire. Le jour où les directives anticipées du patient arrivé en fin de vie – qui dira s’il veut ou pas une aide active à mourir – seront vraiment prises en compte à l’exclusion des considérations des médecins ou de la famille, il n’y aura aucun risque de perversion de la loi. Pour éviter toutes les dérives, il faut écouter seulement l’avis du patient. C’est ce que demandent les associations pour le droit de mourir dans la dignité, en France comme en Grande-Bretagne, en Suisse comme en Belgique.

 

Famous author Terry Pratchett died earlier this year. He was a loud supporter of assisted dying, and suffered from Alzheimer’s. What should happen when someone with a mental illness or brain condition asks to die?

 

J’ai une pensée émue et reconnaissante pour Terry Pratchette que j’ai pu rencontrer, il y a quelques années, à une manifestation de DID.
En France, la question a déjà été réglée puisqu’il existe des directives anticipées – malheureusement non encore opposables ou contraignantes – qui ont une durée de validité de 3 ans, sauf si un état d’inconscience a été constaté durant cette période de 3 ans auquel cas les directives anticipées sont valables indéfiniment. Au fond, c’est comme lorsque vous rédigez votre testament patrimonial. Ce n’est pas parce que vous êtes atteint d’Alzheimer que vos volontés exprimées antérieurement deviennent caduques.

 

In 2014, Belgium legalised voluntary euthanasia without any age limit – meaning that parents can legally kill their terminally ill children if they have requested it. How do you feel about assisted dying for children? Do you think a child is able to make such an important decision?

 

Je vais vous poser une autre question. Comment dire à un jeune adulte de 17 ans et demi, en phase terminale d’un cancer des os, qu’il n’aura le droit à rien, tout simplement parce qu’il est né 6 mois trop tard ? La Belgique, démocratie respectée et progressiste, a adopté l’euthanasie pour les mineurs d’âge qui en font la demande, si les deux parents sont d’accord et si l’espérance de vie est limitée à quelques semaines. Il ne s’agit pas de « tuer leur enfant malade », mais de les délivrer de leurs souffrances insupportables et inapaisables. Cela fait toute la nuance. J’observe que le fantasme d’un pays qui tuerait ses vieux et ses enfants, nourri par les anti-choix, est arrivé jusque dans le pays du flegme…

 

Only one British doctor has ever been convicted of a mercy killing – Dr Nigel Cox, in 1992. Ninety-two Britons have travelled abroad to the Dignitas clinic in Switzerland to end their lives, and thus far no-one has been prosecuted for aiding their passage there. If, in practice, people are not prosecuted for aiding someone to end their life, does the law really need to change?

 

Evidemment, car il faut accorder les lois avec les pratiques. Sinon, cela crée de l’instabilité juridique et sociétale et de profondes inégalités entre ceux qui ont accès – financièrement, intellectuellement, moralement – et les autres qui n’auront rien. Trouvez-vous juste d’inciter à la clandestinité dans votre pays ou à l’exil en Suisse ? Une démocratie doit respecter tous ses citoyens, leur ouvrir les mêmes droits et s’assurer du respect de leurs volontés. Tout le contraire de ce qui existe en matière de fin de vie, dans votre pays comme en France.

 

In France, the church has no role in affairs of state, whereas in the United Kingdom, bishops sit in the House of Lords, which has a say in what laws get passed. Many of the arguments against assisted dying and suicide are religious ones.  Do you think the division between church and state means that France is closer to legalising assisted dying than the United Kingdom?

 

Vous avez à juste titre une lecture constitutionnelle de nos institutions. Mais malheureusement, la réalité s’éloigne de ce principe de laïcité pourtant voté en 1905 en France. L’Eglise catholique romaine exerce un pouvoir fort, bien au-delà même de ses troupes. Plus les églises se vident, et plus la pression sur les pouvoirs publics s’exerce. Rappelez-vous les hordes braillardes dans les rues de Paris pour lutter, aux motifs religieux, contre le mariage des couples de même sexe. Comparez avec ce qu’il s’est passé très récemment en Irlande sur le même sujet. La France est la fille ainée de l’Eglise. Sans doute fait-elle figure de bastion pour le Vatican, qui met les moyens, y compris financiers, pour empêcher certaines évolutions sociales. Le sujet de la fin de vie est en plein dans ce domaine. L’Eglise ne souhaite pas que les populations décident de mettre un terme à une vie devenue une souffrance. Question d’emprise sur les individus…

 

In 2015, the largest ever poll conducted in the UK on assisted dying showed that 82% of the public supported giving terminally ill, mentally competent people the legal option of assistance to die with dignity. Why do you think public attitudes have shifted in favour of assisted dying?

 

Comme en France, il y a une demande croissante de liberté individuelle. Et puis vous savez, les gens observent ce qui se passe autour d’eux. La médecine fait de plus en plus de progrès. On peut vivre jusqu’à 100 ans, voire 110 ou 120 ans. Mais, pour certaines ou certains, dans quel état, au prix de quelles souffrances quotidiennes ? Auparavant certaines maladies vous emportaient rapidement. Aujourd’hui, les traitements peuvent vous prolonger quelques mois, voire quelques années, mais dans un état de dépendance et de souffrances extrêmes. Eh bien certaines personnes ne veulent pas d’une vie qui n’en est plus une pour elles. Il faut les entendre, tout comme il faut entendre celles qui demandent à être prolongées. Il faut respecter la parole du patient. C’est là la clé de notre humanisme moderne. Toutes les lois qui permettront ce respect sont bonnes. Les autres sont à abroger car elles maintiennent les populations dans un état de subordination insupportable : subordination à la famille, aux médecins, à l’Eglise…

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