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Mon discours à l'Espace Charenton au meeting ADMD

Chers amis,
Aujourd’hui, nous sommes à un tournant de la vie de notre association. Trente-cinq ans après sa création, alors que nous comptons plus de 60.000 adhérents actifs – plus de 12.000 nouveaux adhérents en un an, du jamais vu en 35 ans d’existence ! – alors que nous n’avons jamais été aussi visibles médiatiquement et entendus politiquement, nous sommes confrontés à un véritable coup de Jarnac.

admd,jean-luc romero,paris


En effet, alors que nous avons à l’Elysée un président de la République qui s’est engagé en faveur de l’aide médicalisée à mourir – mais c’était en 2012 – alors que nous avons un premier ministre dont on sait qu’il est favorable à la légalisation de l’euthanasie – mais c’était en 2009 – alors que notre revendication reçoit un taux d’approbation inédit chez les Français et jamais égalé, ni sur ce sujet auparavant, ni sur un autre sujet de société (rendez-vous compte, 96% des Français se disent favorables à la légalisation de l’euthanasie, voire 97% chez les Français âgés de plus de 65 ans !), alors que même les médecins sont aujourd’hui majoritairement convaincus du bien fondé de notre revendication puisque 60% approuveraient le recours à l’euthanasie, nous sommes aujourd’hui devant un mur et nous ne savons pas ce qu’il cache.
Jean Leonetti, insubmersible député des Alpes-Maritimes et maire d’Antibes, spécialiste autoproclamé de la fin de vie, opposant politique au président de la République, devient l’homme qui murmure à l’oreille des chevaux. Et c’est ainsi qu’il refait le coup de 2005 – mais il appartenait à l’époque à la majorité – en nous présentant un texte de loi tout miel, tout en bons sentiments et en angélisme, expliquant que tuer c’est mal, qu’accompagner c’est bien et qu’accessoirement, faire dormir les gens puis les déshydrater et les dénutrir pour les faire mourir ce n’est pas si grave car, voyez-vous, il n’y a pas d’intention de donner la mort.
Certes, il y a bien des parlementaires pour rappeler que la sédation existe déjà par le décret du 29 janvier 2010 et bien des parlementaires pour dénoncer une loi aux effets parfois barbares et contraires à la dignité des patients. Mais qui a déjà demandé un bilan des dix années de la loi Leonetti ? Dix années d’échec. La loi ne fonctionne pas. L’acharnement thérapeutique existe toujours. Des euthanasies clandestines se réalisent. Des lits sont libérés en arrêtant des respirateurs, les soins palliatifs sont toujours en nombre très insuffisants… De plus, l’actualité nous enseigne que la sédation qui a été appliquée à Vincent Lambert, une première fois avant d’être réveillé, a duré 31 jours et qu’au bout de ces 31 jours, il était toujours en vie… En survie, devrais-je dire. Certes, des militants revendiquent le droit, lorsque la mort frappe à notre porte, de renoncer à l’acharnement thérapeutique, de renoncer à l’agonie, et d’obtenir une véritable aide, avec l’administration d’un produit létal comme cela se fait déjà aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse.
Aussi, je suis en colère. En colère devant le marché de dupe qui nous est proposé. On nous dit « Acceptez cette amélioration de la loi Leonetti. C’est un pas en avant. C’est toujours cela de pris. C’est mieux que rien. »

admd,jean-luc romero,paris


Mais, chers amis, de réformettes en mesurettes, du laisser mourir au faire dormir, il a fallu 10 années, de 2005 à 2015. Si nous marchons dans ce sens – en dehors d’avoir le sentiment de trahir nos anciens, de trahir notre ancienne vice-présidente Nicole Boucheton qui a dû s’exiler en Suisse pour mourir dignement, de trahir Mireille Jospin, de trahir Chantal Sébire, de trahir Hervé Pierra, de trahir Rémy Salvat, de trahir Vincent Humbert, et de trahir toutes celles et tous ceux que nous aimons et qui sont morts en souffrant parce que notre loi sur la fin de vie est indifférente à la compassion et au respect des volontés – si nous marchons dans ce sens, disais-je, combien d’entre nous seront morts à leur tour le jour où, enfin, parce que nous avons soif de liberté, nous obtiendrons ce droit légitime de choisir nous-mêmes le moment d’éteindre notre propre lumière ? Entre les personnes âgées et les malades dont je suis, qui restera-t-il pour profiter de cette loi que nous réclamons ? Peu d’entre nous, je le crains.

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Chers amis,

 

 

Aujourd’hui, nous sommes à un tournant de la vie de notre association. Trente-cinq ans après sa création, alors que nous comptons plus de 60.000 adhérents actifs – plus de 12.000 nouveaux adhérents en un an, du jamais vu en 35 ans d’existence ! – alors que nous n’avons jamais été aussi visibles médiatiquement et entendus politiquement, nous sommes confrontés à un véritable coup de Jarnac.

 

En effet, alors que nous avons à l’Elysée un président de la République qui s’est engagé en faveur de l’aide médicalisée à mourir – mais c’était en 2012 – alors que nous avons un premier ministre dont on sait qu’il est favorable à la légalisation de l’euthanasie – mais c’était en 2009 – alors que notre revendication reçoit un taux d’approbation inédit chez les Français et jamais égalé, ni sur ce sujet auparavant, ni sur un autre sujet de société (rendez-vous compte, 96% des Français se disent favorables à la légalisation de l’euthanasie, voire 97% chez les Français âgés de plus de 65 ans !), alors que même les médecins sont aujourd’hui majoritairement convaincus du bien fondé de notre revendication puisque 60% approuveraient le recours à l’euthanasie, nous sommes aujourd’hui devant un mur et nous ne savons pas ce qu’il cache.

 

Jean Leonetti, insubmersible député des Alpes-Maritimes et maire d’Antibes, spécialiste autoproclamé de la fin de vie, opposant politique au président de la République, devient l’homme qui murmure à l’oreille des chevaux. Et c’est ainsi qu’il refait le coup de 2005 – mais il appartenait à l’époque à la majorité – en nous présentant un texte de loi tout miel, tout en bons sentiments et en angélisme, expliquant que tuer c’est mal, qu’accompagner c’est bien et qu’accessoirement, faire dormir les gens puis les déshydrater et les dénutrir pour les faire mourir ce n’est pas si grave car, voyez-vous, il n’y a pas d’intention de donner la mort.

 

Certes, il y a bien des parlementaires pour rappeler que la sédation existe déjà par le décret du 29 janvier 2010 et bien des parlementaires pour dénoncer une loi aux effets parfois barbares et contraires à la dignité des patients. Mais qui a déjà demandé un bilan des dix années de la loi Leonetti ? Dix années d’échec. La loi ne fonctionne pas. L’acharnement thérapeutique existe toujours. Des euthanasies clandestines se réalisent. Des lits sont libérés en arrêtant des respirateurs, les soins palliatifs sont toujours en nombre très insuffisants… De plus, l’actualité nous enseigne que la sédation qui a été appliquée à Vincent Lambert, une première fois avant d’être réveillé, a duré 31 jours et qu’au bout de ces 31 jours, il était toujours en vie… En survie, devrais-je dire. Certes, des militants revendiquent le droit, lorsque la mort frappe à notre porte, de renoncer à l’acharnement thérapeutique, de renoncer à l’agonie, et d’obtenir une véritable aide, avec l’administration d’un produit létal comme cela se fait déjà aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse.

 

Aussi, je suis en colère. En colère devant le marché de dupe qui nous est proposé. On nous dit « Acceptez cette amélioration de la loi Leonetti. C’est un pas en avant. C’est toujours cela de pris. C’est mieux que rien. »

Mais, chers amis, de réformettes en mesurettes, du laisser mourir au faire dormir, il a fallu 10 années, de 2005 à 2015. Si nous marchons dans ce sens – en dehors d’avoir le sentiment de trahir nos anciens, de trahir notre ancienne vice-présidente Nicole Boucheton qui a dû s’exiler en Suisse pour mourir dignement, de trahir Mireille Jospin, de trahir Chantal Sébire, de trahir Hervé Pierra, de trahir Rémy Salvat, de trahir Vincent Humbert, et de trahir toutes celles et tous ceux que nous aimons et qui sont morts en souffrant parce que notre loi sur la fin de vie est indifférente à la compassion et au respect des volontés – si nous marchons dans ce sens, disais-je, combien d’entre nous seront morts à leur tour le jour où, enfin, parce que nous avons soif de liberté, nous obtiendrons ce droit légitime de choisir nous-mêmes le moment d’éteindre notre propre lumière ? Entre les personnes âgées et les malades dont je suis, qui restera-t-il pour profiter de cette loi que nous réclamons ? Peu d’entre nous, je le crains.

 

D’ailleurs, qui a regardé de près la seule amélioration de la proposition Leonetti ? Les directives anticipées deviendraient opposables, mais à deux exceptions que personne ne semble avoir notées : l’urgence vitale appliquée au patient et dès lors que ces directives sembleraient inappropriées. Mais qui va décider de cette urgence et de ce caractère inapproprié ? Encore bien des drames familiaux, des procès et des vols de notre ultime liberté en perspective…

 

Alors oui, je suis en colère.

 

Je suis en colère parce qu’on fait passer les adhérents de l’ADMD pour des adorateurs de la mort alors qu’ils sont des amoureux de la vie qui ne souhaitent seulement pas la brader, la gâcher, par l’acceptation d’une survie parfois jugée comme indigne, souvent dégradante.

 

Je suis en colère, oui, parce que j’avais cru, le 11 janvier dernier, après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, que l’on en aurait fini avec l’influence démesurée des religions monothéistes sur la politique dans notre pays. Il n’en est rien, on entend encore des propos de l’ordre du mystique sur les bancs du Parlement pour justifier que la vie n’appartiendrait pas au citoyen et qu’il ne peut donc pas décider de sa mort, pas plus qu’il n’a décidé de sa naissance. Il n’en est rien puisque j’ai cru comprendre que des sénateurs catholiques s’étaient regroupés pour lutter contre, ouvrez les guillemets, « l’influence mortifère de l’ADMD ». Nous sommes bien loin de Victor Hugo qui disait : « L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle ! ».

 

Je suis en colère, oui, parce que l’hypocrisie règne de telle façon dans notre société française que tout le monde se retranche derrière ce mot : « l’intention ». Selon qu’il y aurait une intention de donner la mort ou pas, des pratiques seraient  plus acceptables que d’autres. Utiliser un produit létal pour aider un mourant à mourir dans un délai court, à sa demande, dans un moment qu’il aurait lui-même choisi, serait « mal » (notez, le bien et le mal…). Utiliser un sédatif qui endormirait pendant que l’on débranche le patient jusqu’à ce que la mort s’en suive serait « bien » car il ne s’agirait au fond que de soulager une douleur extrême, et si le patient décède, ben ce n’est pas not’ faute ! On n’avait pas l’intention d’le faire mourir. Hypocritement, c’est le phénomène du « double effet » ; un produit soulage, mais s’il provoque la mort, ben c’est pas exprès… Un monde de bisounours qui croient encore qu’il est possible d’éviter la mort en n’y pensant pas et qui, au fond, en ont peur, quand d’autres, nous ici, souhaitons être en mesure de la regarder en face et d’anticiper ce moment pour ne pas sombrer dans la déchéance et la souffrance.

 

Je suis en colère, oui, parce que je me sens trahi par certains élus qui ont fait des promesses. Ils prennent une responsabilité colossale devant l’histoire en n’assumant pas ce pour quoi ils ont été élus, c'est-à-dire pour gouverner, décider, réformer. Non pas pour faire plaisir, non pas pour satisfaire l’opinion publique ou tel groupe de pression, mais pour ouvrir de nouveaux droits, modifier les lois qui fonctionnent si mal qu’elles provoquent inégalité, injustice, souffrance et drames effroyables.

 

Alors bien sûr, si on ne fait rien, dans cinq ans, on ouvrira une énième mission d’évaluation de la future loi de 2015. Le bon docteur Jean Leonetti, toujours député, toujours maire, toujours sûr de lui, dira que la loi de 2015 est encore la meilleure du monde mais que, malheureusement ignorée des Français, elle est mal connue du corps médical et n’est pas appliquée. Et puis, après cinq nouvelles années, après des dizaines de cas dramatiques pour lesquels la presse titrera, comme à chaque fois, qu’ils relancent le débat sur la fin de vie, une nouvelle loi arrivera. A minima, comme toujours, tant l’inaction est devenue un mode de gouvernance…

 

Je suis en colère, oui, parce que des parlementaires, des gouvernants évoquent la nécessité de légiférer dans le consensus. Mais les femmes ont-elles attendu le consensus pour obtenir, à la sortie de la seconde guerre mondiale, le droit de vote ? Si elles avaient dû compter sur les politiciens, vous ne voteriez toujours pas, Mesdames. Les femmes – encore elles, toujours à la pointe du combat – ont-elles attendu le consensus pour obtenir le droit à l’avortement ? François Mitterrand a-t-il attendu un consensus pour abolir la peine de mort ? Et le Mariage pour tous, a-t-il fait l’objet d’un consensus ? Toutes ces lois, Mesdames et Messieurs, qui font la richesse de notre République laïque, la fierté de la culture française, la force de notre démocratie, ont été arrachées de haute lutte. Dans des affrontements rugueux, sans concession, où chacun a développé ses arguments.

 

Et qu’elles aient été portées par la droite ou par la gauche, elles ont toutes un point commun : elles ouvrent un nouveau droit, sans créer d’obligation, sans retirer de droits à d’autres.

 

Il en sera ainsi de la loi sur l’euthanasie et le suicide assisté qui permettra à ceux qui le veulent d’en bénéficier dans la clarté et l’égalité, et à ceux qui ne le veulent pas de les protéger de ceux qui voudraient – n’est-ce pas monsieur Leonetti ? – « débrancher des respirateurs pour libérer des lits ».

 

Alors aujourd’hui, alors même que je suis en colère, je trace deux pistes.

 

La première, à destination de nos adhérents et de tous les Français qui sont favorables à la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Si le texte présenté jeudi dernier par Véronique Massonneau a été renvoyé en commission – et donc malheureusement probablement enterré – une proposition de loi portée par Jean Leonetti et Alain Claeys va être présentée à l’Assemblée Nationale en mars prochain.

 

Soit nous restons les bras croisés, à râler entre nous, et nous n’obtiendrons rien de plus que ce que l’on voudra bien nous jeter en pâture pour nous calmer.

 

Soit nous nous mobilisons, plus fortement que jamais, autour et avec nos 132 délégués présents dans chaque département de France, en interpellant partout où ce sera possible nos députés, nos sénateurs  pour qu’ils rejettent le texte de messieurs Claeys et Leonetti tel qu’il sera présenté ou qu’ils l’amendent pour nous accorder enfin notre ultime liberté. Interpellez-les partout : par lettre, dans leur permanence, lors des réunions publiques, sur les marchés, lors des bilans de mi-mandat. Qu’ils ne viennent pas dire que personne, dans leur circonscription, ne les interroge sur la question de la fin de vie.

 

Il faut nous bouger, secouer les arbres, faire trembler la terre.

 

Les femmes ont obtenu l’IVG en témoignant de leur courage et des actes douloureux qu’elles ont accomplis clandestinement. Vous savez en revanche combien il est difficile de trouver des témoins qui acceptent de parler à la presse avant un départ en Suisse, voire même avant un geste clandestin en France.

 

Il faut alors être toujours plus nombreux et plus unis. Pour être mieux entendus et, enfin, écoutés.

 

La deuxième piste est à destination de nos élus. Selon un sondage d’octobre 2014, réalisé par l’IFOP et dont Frédéric Dabi vient de nous parler, près de 40% des Français ne voteraient plus à l’élection de 2017 pour un candidat de leur préférence partisane s’il ne porte pas leur conception en matière d’euthanasie. Avec 40%, lors d’une élection présidentielle, et plus encore lors des élections législatives où la différence de voix entre deux candidats est parfois de quelques dizaines, 40% font et défont des majorités.

 

Il ne s’agit pas de menace. Il ne s’agit pas d’ultimatum. Il s’agit au contraire de respect et d’honnêteté intellectuelle. Oui, nous en avons marre des élus qui, pour se faire élire, viennent nous caresser dans le sens du poil, mais ensuite, une fois installés et sous couvert de consensus et de modération, renoncent à changer notre société.

 

Alors que vous ayez été pour « Le changement c’est maintenant », ou bien encore pour « Ensemble, tout devient possible », exigez d’être respectés !

 

Nous représentons 60.000 adhérents et, à l’extérieur, 96% des Français.

 

Ne laissons pas Jean Leonetti et une poignée d’intégristes et de corporatistes nous imposer leur vision, au final exclusivement religieuse, de la mort lorsqu’eux-mêmes, mieux renseignés et mieux équipés que nous le sommes, trouveront de quoi, en douceur, entourés de l’affection des leurs, quitter paisiblement la vie.

 

Aujourd’hui, chers amis, je vous demande de vous battre comme jamais. Sinon, nous en reprendrons pour dix ans et je plains ceux d’entre nous qui seront confrontés à cette mort indigne de faim et de soif que l’on nous offre comme un hochet.

 

Battons-nous et nous obtiendrons cette ultime liberté à laquelle les Français ont droit. C’est le sens de l’histoire ! Et donnons enfin toute sa valeur à notre devise républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité !

 

Je compte sur vous. Ensemble, nous allons gagner notre Ultime Liberté !

 

Je vous remercie.

 

 

 

Jean-Luc Romero

Président de l’ADMD

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