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Mon discours de clôture de la 32ème AG de l'ADMD à Marseille

 

Mesdames et Messieurs,
Chers amis, militants et sympathisants de l’ADMD,

Vous êtes impatients, je le sais. Moi aussi, je le suis tout autant que vous. Depuis que François Hollande a inscrit dans son programme de campagne la légalisation d’un droit à mourir dans la dignité, vous percevez que nous semblons arriver au bout de trois décennies de lutte acharnée – et parfois désespérante – afin d’obtenir cette liberté individuelle de mettre un terme à notre vie, quand cela nous semble bien, pour la seule et indépassable raison que nous sommes arrivés au bout de cette vie.

Vous êtes impatients, je le sais, car vous trouvez aussi que les choses semblent patiner, depuis que nous avons obtenu ces deux débats publics inédit sur l’euthanasie – le premier le 24 novembre 2009 à l’Assemblée nationale et le second le 25 janvier 2011 au Sénat – , depuis que la campagne présidentielle a mis ce sujet, aussi grâce à nous et à notre campagne, au cœur des débats et des projets de société.
Je ne peux pas, bien sûr, vous donner tort.

Comme vous, je déplore la lenteur qui semble animer, en cette matière, le sommet de l’Etat. Je regrette la création d’une énième mission et, qui plus est, confiée encore une fois à un professeur de médecine alors que la question de la fin de vie devrait rester dans le champ unique de la citoyenneté, même si le concours d’un médecin, respectant en cela la volonté de son patient, est important pour la mise en œuvre de notre Ultime Liberté. Pour l’IVG, a-t-on réservé le débat aux seuls médecins ? Non. Pourtant leur intervention est nécessaire mais on a privilégié à juste titre la position de la femme concernée. Je conteste que sur les huit membres de cette mission, deux au moins soient membres du comité exécutif du mouvement pro-life Plus digne la vie piloté par Emmanuel Hirsch, celui-là même qui disait des horreurs sur l’ADMD lors des deux discussions parlementaires de novembre 2009 et de janvier 2011, celui-là même qui s’opposait à la présence de notre association au sein de la Maison des Usagers de l’hôpital européen Georges-Pompidou. Je regrette enfin qu’en créant une nouvelle mission sur ce sujet, on dépouille les parlementaires de leurs prérogatives. Certains, déjà, nous ont confié leur amertume d’être dessaisi de cette grande question de société qui remporte l’adhésion de la quasi-totalité des Françaises et des Français.

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Comme vous, j’ai peur que du fait de la lenteur de nos gouvernants à agir pour ouvrir ce droit – un droit, pas une obligation – ce droit à choisir les conditions de notre propre fin de vie, je termine mes jours dans des circonstances que je n’aurai pas choisies. Comme beaucoup d’entre vous ici, ce samedi, j’ai peur de me faire voler ma mort, de gâcher ces instants graves et magiques, uniques évidemment, où des personnes qui s’aiment peuvent, sans pudeur, se préparer à une séparation : dernières larmes, derniers baisers, dernières caresses.

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Discours de Jean-Luc Romero

32ème assemblée générale

Marseille – samedi 6 octobre 2012

samedi 24 mars 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

Mesdames et Messieurs,

Chers amis, militants et sympathisants de l’ADMD,

 

 

 

Vous êtes impatients, je le sais. Moi aussi, je le suis tout autant que vous. Depuis que François Hollande a inscrit dans son programme de campagne la légalisation d’un droit à mourir dans la dignité, vous percevez que nous semblons arriver au bout de trois décennies de lutte acharnée – et parfois désespérante – afin d’obtenir cette liberté individuelle de mettre un terme à notre vie, quand cela nous semble bien, pour la seule et indépassable raison que nous sommes arrivés au bout de cette vie.

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Vous êtes impatients, je le sais, car vous trouvez aussi que les choses semblent patiner, depuis que nous avons obtenu ces deux débats publics inédit sur l’euthanasie – le premier le 24 novembre 2009 à l’Assemblée nationale et le second le 25 janvier 2011 au Sénat – , depuis que la campagne présidentielle a mis ce sujet, aussi grâce à nous et à notre campagne, au cœur des débats et des projets de société.

 

Je ne peux pas, bien sûr, vous donner tort.

 

Comme vous, je déplore la lenteur qui semble animer, en cette matière, le sommet de l’Etat. Je regrette la création d’une énième mission et, qui plus est, confiée encore une fois à un professeur de médecine alors que la question de la fin de vie devrait rester dans le champ unique de la citoyenneté, même si le concours d’un médecin, respectant en cela la volonté de son patient, est important pour la mise en œuvre de notre Ultime Liberté. Pour l’IVG, a-t-on réservé le débat aux seuls médecins ? Non. Pourtant leur intervention est nécessaire mais on a privilégié à juste titre la position de la femme concernée. Je conteste que sur les huit membres de cette mission, deux au moins soient membres du comité exécutif du mouvement pro-life Plus digne la vie piloté par Emmanuel Hirsch, celui-là même qui disait des horreurs sur l’ADMD lors des deux discussions parlementaires de novembre 2009 et de janvier 2011, celui-là même qui s’opposait à la présence de notre association au sein de la Maison des Usagers de l’hôpital européen Georges-Pompidou. Je regrette enfin qu’en créant une nouvelle mission sur ce sujet, on dépouille les parlementaires de leurs prérogatives. Certains, déjà, nous ont confié leur amertume d’être dessaisi de cette grande question de société qui remporte l’adhésion de la quasi-totalité des Françaises et des Français.

 

Comme vous, j’ai peur que du fait de la lenteur de nos gouvernants à agir pour ouvrir ce droit – un droit, pas une obligation – ce droit à choisir les conditions de notre propre fin de vie, je termine mes jours dans des circonstances que je n’aurai pas choisies. Comme beaucoup d’entre vous ici, ce samedi, j’ai peur de me faire voler ma mort, de gâcher ces instants graves et magiques, uniques évidemment, où des personnes qui s’aiment peuvent, sans pudeur, se préparer à une séparation : dernières larmes, derniers baisers, dernières caresses.

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Pourtant, moi qui ai la chance de présider aux destinées de notre association depuis juin 2007, je sais que nous n’avons jamais été aussi proches d’une législation. Comme vous, je n’ai pas ménagé ma peine, arpentant la France, visitant nos délégations, chaque semaine, inlassablement, pour convaincre. Encore et toujours.

 

A plusieurs reprises, j’ai interrogé le président de la République. La dernière fois le 18 septembre dernier. Je ne veux pas éventer un secret, mais il m’a réaffirmé sa volonté de respecter sa promesse. Je le crois. Il est de ces hommes qui, sous des apparences bonhommes, ont une volonté inébranlable. Non pas par dogmatisme, mais tout au contraire par pragmatisme. Depuis, je suis en contact étroit avec son conseiller à la santé, Olivier Lyon-Caen, ou encore avec le secrétaire général adjoint de la présidence de la République, Nicolas Revel.

 

Car en effet, est-il encore concevable, en 2012, de laisser des personnes dans l’état de détresse et de déchéance que provoque toujours l’acharnement thérapeutique ? Est-il encore concevable de proposer comme seule issue à ces tragédies absurdes et à ses souffrances inutiles la pire mort qui soit, c'est-à-dire le « laisser mourir » dont a parlé très imprudemment Jean Leonetti, cette mort de faim et de soif, hypocrite et inhumaine, dont nos opposants soulignent qu’à défaut de sauvegarder la dignité des mourants et de respecter leurs volontés de fin de vie, elle sauverait l’honneur de certains médecins réticents à accompagner leurs clients jusqu’au bout de leur vie et qui se réfugient derrière le manque d’intentionnalité apparente d’une mort pourtant certaine en disant : « ce n’est pas moi, c’est la nature ! ».

 

Pardonnez-moi si je réponds à cela : foutaises. Au pluriel.

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Cette loi de légalisation d’un droit de mourir dans la dignité, nous l’obtiendrons. Je le sens. Je le sais. J’y crois. Nos efforts ne seront pas vains. Le sacrifice de nos aînés ne sera pas sans effet. Il restera néanmoins toutes ces douleurs, blessant nos aimés, déchirant encore nos cœurs après leur disparition. Je ne veux pas employer le terme de martyrs. Pourtant, bel et bien, ils auront été les héros tragiques de notre combat de liberté.

 

Mais cette loi, nous l’obtiendrons si nous restons unis. Si nous suivons la ligne que nous avons dessinée il y a 5 ans déjà. Une ligne plus politique, sans doute, mais qui colle à la constitution de notre pays. Car on peut dire toute sorte de choses, on peut penser différemment, sauf à préparer la révolution, nous devrons en passer par le vote d’une loi au Parlement. Et les lois sont faites par nos élus. Qu’ils nous plaisent ou non.

 

Qui d’entre nous veut construire des barricades ? On me parle d’exemples. De cas médiatiques. Toutes nos tentatives pour trouver celui ou celle qui voudra faire de son combat individuel, de sa mort, un combat collectif, sont restées vaines. L’être humain en fin de vie, comme les oiseaux fragiles, se cache pour mourir.

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Les lois sont faites par les élus, disais-je. Et croyez-moi, les élus ont leur fierté. Comme nous tous. Ceux qui pensent qu’il serait possible de leur dicter mot à mot la rédaction de la future proposition de loi visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté et à assurer un accès universel aux soins palliatifs se trompent lourdement. Ils risquent même, en braquant le législateur, d’obtenir l’effet inverse à celui escompté. Ceux qui pensent, à contrario, que l’insulte serait une forme d’argument se trompent également.

 

La seule méthode, après celle du vote citoyen, donnant son suffrage à celui qui porte le mieux nos valeurs, est la vigilance citoyenne en interrogeant, interpellant, questionnant nos élus pour les maintenir sous pression. Après tout, le travail du législateur consiste aussi à se faire réélire et donc à respecter le programme sur lequel il s’est fait élire. Les promesses n’engagent pas seulement ceux qui les reçoivent. Mais aussi – c’est cela la démocratie – celles et ceux qui les font.

 

Par vos lettres adressées par milliers au président de la République, par les cartes postales adressées aux députés et aux sénateurs, vous avez montré qu’une fois l’élection passée, vous restiez conscients de votre pouvoir et de la nécessité de tenir les promesses faites. Le président de la République lui-même m’a confié que cette pression, y compris sur lui-même, était indispensable dans cette bataille qui s’engage contre les forces les plus conservatrices de notre société, au premier rang desquelles je place les intégristes religieux, quelle que soit leur religion.

 

Cette loi – et je le déplore tout autant que vous – ne sera probablement pas immédiatement celle que nous voulons. Malheureusement, je sais que nous devrons arriver à nos fins par étape. Le suicide assisté semble curieusement poser plus de difficultés que l’euthanasie active, alors même que l’acte à accomplir ne se bornerait qu’à la seule prescription d’un produit létal puisque le geste serait effectué par le patient en fin de vie lui-même.

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Le nombre de médecins nécessaires pour agréer la demande d’aide active à mourir est aussi pour nous un élément de déception. Je sais – et ce fut le cas dans les propositions de loi discutées en 2009 et en 2011 – que les parlementaires de gauche considèrent à tort comme une mesure de protection le nombre élevé de médecins dont il faudrait recueillir le consentement : le médecin traitant plus quatre. Nous savons, parce que nous avons réfléchi au sujet depuis de très nombreuses années, que le temps manquera pour obtenir un avis conforme de cinq personnes et que le patient mourra avant la fin des discussions. Les pays du Benelux qui ont légiféré – Pays-Bas en 2001, Belgique en 2002 et Luxembourg en 2009 – ont adopté le chiffre de un plus un, et cela fonctionne très bien. Ni lenteur, ni dérives. Juste un grand humanisme apporté aux détresses de toutes les fins de vie.

 

Permettez-moi, afin de conclure mon intervention, de parler de nos amis néerlandais et belges.

 

Nos détracteurs nous parlent de dérives. Certains de nos militants, de bonne foi mais très imprudemment, relaient ces mensonges.

 

Voici quelques mots d’explication.

 

En Belgique, deux lois cohabitent. L’une ouvrant le droit à l’euthanasie active. Celle-ci doit se conformer aux volontés des personnes en fin de vie. Lorsqu’un décès survient dans le cadre strict de cette loi, une déclaration est transmise à la commission de contrôle dont une des missions est de vérifier le respect de la volonté du patient. L’autre loi belge est similaire à celle que nous connaissons en France, avec l’administration en fin de vie d’opiacés (morphine, sédatif…) avec l’intention de hâter la mort. Ces décès ne donnent légalement pas lieu à déclaration. Aussi, l’observateur mal intentionné qui étudierait le nombre de décès à la suite d’un geste médical en Belgique constaterait faussement que la moitié des décès ne fait pas l’objet d’une déclaration à la commission – donc pas de présence de directives anticipées – et donc serait illégale et clandestine. Vous comprendrez à présent pourquoi Jean Leonetti, de manière erronée pour ne pas dire mensongère, parle de très nombreuses dérives en Belgique. Sans regarder les drames quotidiens que génère dans notre pays la loi qui porte son nom, cette loi que je dis être une loi faite par des médecins pour des médecins.

 

Aux Pays-Bas, il a été question de l’exil de dizaines de personnes âgées vers l’Allemagne pour éviter d’être assassinées dans le cadre de la loi qui date de 2001. Je ne sais pas comment qualifier ces assertions afin de ne pas être grossier. J’ai utilisé le mot foutaises, il y a quelques instants. Je l’utiliserai alors à nouveau. Mais je suis très en deçà de ce que je pense en réalité. Evidemment, nul d’entre nous, nul d’entre nos détracteurs n’a jamais croisé ces hordes de vieillards poussés sur les routes bataves, préférant l’exil et la fuite à un génocide perpétré par le gouvernement néerlandais dans le cadre d’une loi d’exception. Les images qui me viennent à l’esprit ne me renverraient pas à une référence historique tragique, j’en rirais avec vous. En septembre 2011, l’ambassadeur des Pays-Bas lui-même a dû rédiger une tribune parue dans le Figaro pour apporter un démenti à ces mensonges.

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Le débat public est souhaitable. Le mensonge, la calomnie et la caricature font honte à leurs auteurs. Je crois me rappeler qu’à la source, on trouve les obscurantistes de l’Alliance pour les Droits de la Vie, l’Alliance Vita, qui militent pêle-mêle contre la contraception, contre l’avortement et contre l’euthanasie. Des fous de Dieu. Et lorsque je dis cela, je veux rappeler en même temps que de nombreux militants de l’ADMD sont des croyants. Mais des croyants qui ont lu dans les textes les mots d’amour et de respect qu’ils portent, en non pas la haine et la terreur que certains croient y lire pour masquer leurs propres peurs, leurs propres limites intellectuelles et leur bêtise crasse.

 

Voilà, mes chers amis de l’ADMD.

 

Le chemin jusqu’ici a été très long. Je pense à ceux d’entre nos aimés qui sont partis dans des conditions indignes, à un moment où l’Académie de médecine voyait dans l’utilisation de la morphine un produit pour les douillets, à un moment où l’Académie de médecine voyait dans la démocratie sanitaire la dictature du patient, ignorant de surcroît, à un moment où l’Académie de médecine voyait dans le refus de l’acharnement thérapeutique une lâcheté, un renoncement, un abandon. A un moment où la légalisation de l’IVG était vue contre un infanticide.

 

Les mandarins, l’Académie de médecine, l’Ordre des médecins s’adapteront à notre loi Républicaine. Ils ne sont pas là pour faire les lois mais bien pour les appliquer, au nom de l’intérêt général et du droit des citoyens. C’est ainsi que le fameux serment d’Hippocrate devra être réécrit – comme il l’a déjà été à de nombreuses reprises dans le passé, notamment pour permettre aux médecins d’être payés lorsqu’ils enseignent leur art. Il sera donc réécrit une nouvelle fois pour tenir compte de ce droit à mourir dans la dignité que nous appelons au plus vite de nos vœux et que nous obtiendrons ensemble, unis, dans un combat juste, pour défendre les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui sont celles de la République. De notre République.

 

Je vous remercie.

 

 

 

 

 

Jean-Luc Romero

Président de l’ADMD

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