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Discours de Tours sur les maladies chroniques

Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Tout d’abord permettez-moi de remercier les organisateurs du Forum de m’avoir invité et au premier rang desquels le docteur Dailloux. C’est toujours un plaisir de venir intervenir à cet événement. D’autant plus que le thème qui nous intéresse aujourd’hui est large, exigeant mais extrêmement intéressant : l’évolution du droit sur les maladies chroniques. Inutile de vous dire que nous ne pourrons pas en faire le tour aujourd’hui, vous le comprendrez aisément.
Avant toute chose, je pense qu’il est important de bien définir le terme de maladie chronique. On pourrait mettre en exergue deux critères : une thérapeutique particulièrement coûteuse et un traitement prolongé. Je vous avoue préférer la définition de l’OMS : un problème de santé qui nécessite une prise en charge de plusieurs années ou décennies.
Sur ce thème de l’évolution du droit sur les maladies chroniques, je voudrais insister sur trois points : en premier lieu, le dispositif ALD, le problème du reste à charge et les attaques continuelles sur le 100%. En second lieu, les rapports entre les malades et le monde du travail. En dernier lieu : le regard global porté sur le malade.
Je ne vais pas m’étendre sur le système français en la matière, le principe nous le connaissons tous: un patient en ALD doit pouvoir bénéficier d’une prise en charge complète par l’assurance maladie à 100% de toutes les dépenses de santé liées à cette ALD.
Ce n’est ni un confort, ni un privilège : le 100% est totalement légitime car les médicaments et traitements sont absolument nécessaires pour la santé de la personne et, suivant le principe de solidarité, la société doit payer.
C’est la base. C’est la base de la solidarité. Alors bien évidemment, tout ceci a un coût important. En effet, 9 millions de personnes sont en ALD en France, ce qui engendre 65% des dépenses de santé. Il est donc important de se pencher sur cette question d’autant plus que le nombre de personnes en ALD ne peut qu’augmenter à cause, d’une part, du fait de l’amélioration du diagnostic - on met des noms sur des maladies -, et, d’autre part, de l’amélioration des traitements et donc l’augmentation de l’espérance de vie des personnes en ALD.

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

 

Tout d’abord permettez-moi de remercier les organisateurs du Forum de m’avoir invité et au premier rang desquels le docteur Dailloux. C’est toujours un plaisir de venir intervenir à cet événement. D’autant plus que le thème qui nous intéresse aujourd’hui est large, exigeant mais extrêmement intéressant : l’évolution du droit sur les maladies chroniques. Inutile de vous dire que nous ne pourrons pas en faire le tour aujourd’hui, vous le comprendrez aisément.

 

Avant toute chose, je pense qu’il est important de bien définir le terme de maladie chronique. On pourrait mettre en exergue deux critères : une thérapeutique particulièrement coûteuse et un traitement prolongé. Je vous avoue préférer la définition de l’OMS : un problème de santé qui nécessite une prise en charge de plusieurs années ou décennies.

 

Sur ce thème de l’évolution du droit sur les maladies chroniques, je voudrais insister sur trois points : en premier lieu, le dispositif ALD, le problème du reste à charge et les attaques continuelles sur le 100%. En second lieu, les rapports entre les malades et le monde du travail. En dernier lieu : le regard global porté sur le malade.

 

 

Je ne vais pas m’étendre sur le système français en la matière, le principe nous le connaissons tous: un patient en ALD doit pouvoir bénéficier d’une prise en charge complète par l’assurance maladie à 100% de toutes les dépenses de santé liées à cette ALD.

Ce n’est ni un confort, ni un privilège : le 100% est totalement légitime car les médicaments et traitements sont absolument nécessaires pour la santé de la personne et, suivant le principe de solidarité, la société doit payer.

 

C’est la base. C’est la base de la solidarité. Alors bien évidemment, tout ceci a un coût important. En effet, 9 millions de personnes sont en ALD en France, ce qui engendre 65% des dépenses de santé. Il est donc important de se pencher sur cette question d’autant plus que le nombre de personnes en ALD ne peut qu’augmenter à cause, d’une part, du fait de l’amélioration du diagnostic - on met des noms sur des maladies -, et, d’autre part, de l’amélioration des traitements et donc l’augmentation de l’espérance de vie des personnes en ALD.

 

Aujourd’hui, le sida peut être rangé dans la catégorie « maladie chronique ». Même si nous le savons tous, je voudrai rappeler cette période pas si lointaine où, quand on était touché par le VIH/sida, le seul horizon envisageable était le lendemain et où il n’était en aucun cas question de penser à faire des projets de vie. Aujourd’hui, grâce aux extraordinaires progrès de la médecine, qui n’ont d’ailleurs pas été suivis des mêmes progrès sur le plan sociétal, on peut vivre avec le virus, imaginer des projets, avoir des enfants, se projeter dans la vie, vie qui concrètement s’apparente pour beaucoup, malheureusement, à de la survie.

 

Très clairement, depuis quelques années, cette règle du 100% est attaquée. Attaquée de front mais également grignoté très largement.

 

Franchises médicales, participations forfaitaires sur les consultations, les examens, les boîtes de médicaments … autant de mesures qui, comme je vous le disais, grignotent ce principe du 100% à tel point que le Haut conseil à la santé publique a déclaré en 2009 que le dispositif des ALD ne permettait pas d’assurer une équité de répartition des restes à charge.

 

Des exemples ? + 70%. C’est le pourcentage d’augmentation du forfait d’hospitalier entre 2003 et aujourd’hui. Dans la même veine, je pourrai vous parler du déremboursement de certains médicaments de confort mais qui sont pourtant indispensables à la gestion des effets secondaires de la maladie. Vous évoquer aussi les dépassements d’honoraires en constante augmentation. La liste est longue ! Le problème reste le même quand on évoque les complémentaires. La CMU complémentaire est acceptée pour un plafond de ressources inférieur à l’AAH et l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé est un dispositif très compliqué, trop compliqué.

 

Grignoté, le principe du 100% est régulièrement attaqué par des technocrates, des parlementaires qui aiment à pointer du doigt les malades, comme si être victime d’une ALD était un choix librement consenti ! Comme si les malades prenaient un plaisir à consommer des médicaments qui leur occasionnent des effets secondaires terribles. C’est tout simplement scandaleux que de penser cela! Pourquoi ne pas s’attaquer aux prix des médicaments, aux dépassements d’honoraires. N’y a-t-il qu’une piste pour réduire les dépenses : s’attaquer aux malades ?

 

Globalement, je me pose une question après avoir dit tout cela : quel reste à vivre pour les personnes en ALD ? L’allocation adulte handicapée, c’est 700 euros, soit moins que le seuil de pauvreté, je crois que cela peut nous interroger.

 

A ce sujet, je rappelle également que quand le taux d’incapacité est reconnu entre 50 et 79%, l’octroi de l’AAH est une possibilité à condition d’avoir une restriction substantielle et durable quant à l’accès aux soins et l’emploi du fait du handicap. Concrètement ce n’est pas simple à prouver quand on sait que les effets d’une maladie chronique fluctuent avec le temps.

 

Les pensions d’invalidité représentent 30 à 50% du revenu des 10 meilleures années, seulement 30 à 50%. C’est peu, vous en conviendrez ! Je cite ce chiffre de AIDES : ce sont 35% des personnes touchées qui vivent avec l’AAH ou une pension d‘invalidité.

 

Le reste à vivre des personnes en ALD à cause de l’augmentation continue du reste à charge est de moins en moins important. C’est quand même fou alors que l’on est censé protéger des personnes en situation de vulnérabilité !

 

Personnellement, je considère qu’il faut exclure les personnes souffrant d’ALD du système des franchises médicales ainsi que du forfait hospitalier. Au-delà de l’injustice humaine, ces deux dispositifs ne font que retarder l’accès aux soins et donc vont compliquer la pathologie, la personne attendant au maximum, n’étant pas en capacité de financer les soins.

 

 

Voilà ce que je voulais dire brièvement sur le principe du 100% ; je vais continuer en évoquant les rapports entre ALD et travail. Je ne vais pas répéter ce qu’a très bien dit Maître Paleta.

 

Peut-être rappeler que, selon moi, la séropositivité ne permet pas, en elle-même, de caractériser le handicap. C’est bien plus les pathologies, les effets secondaires, les discriminations et la précarité conséquence de la maladie, qui sont handicapants et qui permettent de qualifier le handicap.

 

Personnellement, j’ai toujours ce chiffre qui me frappe : certes, il date quelque peu car tiré d’une enquête de 2003 mais, quand même, je souhaite vous le livrer. Une personne sur deux qui dit sa séropositivité au travail perd ou quitte son emploi dans les 6 mois qui suivent. Je crois que cela peut nous interroger !

Mais ne soyons pas non plus dans le pessimisme, les signes d’espoir existent : ainsi, selon la dernière et récente enquête de AIDES, 46% des personnes séropositives ont un emploi, ce taux n’était que de 23% en 2005, la progression est très importante !

 

Notons quand même que seuls 22% de ceux qui ont un emploi ont la reconnaissance de travailleur handicapé et 9,2% des personnes vivant avec le VIH ont recours à un temps partiel thérapeutique.

 

Je crois fondamental de travailler dans deux directions :

 

Il faut d’une part travailler sur la présentation du malade dans le monde du travail. Je rappelle les derniers chiffres de l’organisation internationale du travail : pour 24% des agents du public et 39% des salariés du privé, le sida est un facteur discriminant à l'embauche. Et pour 22% des agents, avoir le virus est un handicap pour évoluer (25% dans le privé). La conséquence est bien normale : 62% des personnes touchées tiendraient leur maladie secrète au travail.

 

Il faut d’autre part travailler sur l’adaptation du monde du travail aux personnes malades et pas le contraire ! Il s’agit de mieux informer sur le mi-temps thérapeutique, inventer ou développer des modes de travail souples. Je rappelle quand même que toutes les études montrent bien qu’une personne en ALD qui travaille est tout aussi efficace, voire plus, qu’une personne non-malade !

 

 

Je voudrais élargir quelque peu mon propos : au-delà des aspects juridiques et financiers des choses. Il est clair, selon moi, que toute évolution juridique a un lien avec les valeurs sociétales que l’on veut porter. Ces valeurs quelles sont elles ? Quelles devraient-elles être ? Solidarité, respect de l’autre, équité. Aujourd’hui, c’est tout le contraire que je vois et que tout le monde peut constater : culpabilisation et inégalités. Encore une fois, je vous le dis sincèrement, je ne crois pas exagérer.

 

Il est nécessaire de faire un gros travail sur la place du malade dans la société, sur la manière dont on le voit, sur sa citoyenneté. Oui sa citoyenneté ! Etre en ALD, ce n’est pas être un sous-citoyen. Cela ne devrait pas l’être et pourtant …

 

Permettez-moi d’axer les propos qui vont  suivre spécifiquement sur le VIH/sida. Etre séropositif aujourd’hui, c’est être vu comme une charge, une charge insupportable pour la société ; je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit sur le dispositif du 100%. On pourrait également citer sur cette thématique tout les débats sur l’accès aux soins des étrangers, sur le titre de séjour pour les personnes malades, débats qui, selon moi, ont bien souvent dérapés. Etre séropositif aujourd’hui, c’est également être considéré comme un pestiféré et cela même après la mort : saviez-vous que l’on n’a pas le droit de rendre un dernier hommage à une personne décédée séropositive ? Et oui, une personne décédée séropositive n’a pas le droit de recevoir des soins de conservation ! Vous imaginez la souffrance que l’on rajoute dans un moment de douleur intense. C’est humainement inacceptable. C’est, sur le fond, totalement injustifié, les précautions universelles étant largement suffisantes, tout comme l’affirme le Conseil national du sida.

 

Je vous donne un autre exemple du fait la personne séropositive est considérée comme un délinquant, un fauteur de troubles à l’ordre public. Dans plus d’un tiers des pays membres de l’ONU, les personnes séropositives n’ont ni le droit d’y travailler, ni le droit d’y étudier. Moi qui pensait que la non-discrimination était une valeur portée comme un étendard par l’ONU … Je passe rapidement  sur ce point car il ne concerne pas la France qui n’applique pas de telles restrictions à l’entrée et au séjour des personnes séropositives.

 

Je voudrais insister sur un point qui m’inquiète pour la France : la tendance observée à la pénalisation de la transmission. Je ne rentrerai trop dans le fond du dossier, on pourra en discuter par la suite si vous le souhaitez ; tous les acteurs de santé présents ici savent bien que la pénalisation est une très mauvaise chose dans une logique de prévention et de santé publique. J’exclus bien sûr de mon propos toutes les affaires où il y a eu contamination via des mensonges ou des subterfuges. Bien sûr je pourrai vous donner d’autres exemples mais je préfère m’arrêter là. Nous pourrons peut-être en reparler lors de la suite de la table ronde.

 

Je vais conclure mon propos. Sans entrer dans un débat politicien, ce n’est pas le lieu, je ne peux m’empêcher de penser aux échéances électorales qui s’annoncent. Ces élections vont dessiner la France de demain. La santé sera sûrement un thème important de cette campagne, j’espère tout autant que la traditionnelle insécurité dont on nous rabâche les oreilles jusqu’à l’overdose. Accès aux soins, prise en charge de la dépendance, refonte du service hospitalier, etc, etc. J’aimerai sincèrement que le regard sur la maladie et le malade soit abordé. Une personne atteinte d’une maladie chronique n’est pas une charge insupportable pour la société. Une personne atteinte d’une maladie chronique n’est pas un sous-citoyen. Je suis séropositif depuis près de 25 ans. Je ne suis pas un pestiféré. Je ne suis pas un délinquant. Je ne suis pas un fauteur de troubles. Je suis un citoyen. J’ai les mêmes droits que tous mes concitoyens. Je réclame la dignité. Je demande le respect pour les malades. Tous les malades !

Je vous remercie.

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