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Raisons d’un combat pour une fin de vie digne

Après avoir évoqué hier le lancement de mon nouveau livre « Les Voleurs de liberté » cher Florent Massot, voici en exclusivité pour vous chers lecteurs de ce blog quelques extraits qui expliquent la genèse de mon engagement en faveur de la mort douce.

 

L’auteur, la maladie et la mort

 

« Je suis un survivant. 

Je vis avec le sida depuis plus de 20 ans – 24 ans exactement. Au fil des ans, ce virus, c’est un peu devenu mon locataire indésirable, locataire que je ne pourrai pas mettre dehors à la fin de la trêve hivernale. C’est aussi, paradoxalement, et parce qu’à défaut de le vaincre, j’ai réussi à le dompter, un moteur, une source d’énergie, le fil conducteur – tristement conducteur – de mon action.

Quand j’ai appris ma séropositivité en septembre 1987, le monde s’effondrait. J’ai cru que je ne connaîtrais jamais mes 30 ans. L’avenir était un mot à bannir. J’avais alors l’étrange et désagréable sentiment que tout le monde me regardait comme un moribond. Un être presque parti.

La mort, avec cette épée de Damoclès pointée sur moi, j’ai forcément dû y penser très tôt. Trop tôt… À un âge où l’on ne pense habituellement et, avec une légère et saine insouciance, qu’à la vie et à l’amour… Mais l’amour avait eu, à cette époque de ma vie, le goût d’un poison. Le goût de la mort. C’est l’amour qui avait contaminé mon sang, et c’est cet acte passionné, forcément sublime et, parfois, générateur de vie, qui me condamnait. Qui me condamnait physiquement, mais qui allait aussi me handicaper – je l’apprendrai vite à mes dépens – socialement et politiquement ! » Pages 11 et 12

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« Séropositif depuis presque 24 ans et ayant même flirté avec le cancer en 2008, j’attends fermement, comme beaucoup de Français, cette loi qui me permettra de définir, comme l’homme responsable que la société a souhaité que je devienne, les conditions de ma propre fin de vie. Libre j’ai été, libre je veux demeurer, jusqu’au dernier jour de ma vie qui, je vous l’affirme, sera MON dernier jour, le mien, celui que personne ne me volera, celui dont je déciderai seul. » Page 178

Raisons d’un combat pour une fin de vie digne (suite)

 

« Aujourd’hui, je ne peux plus accepter que ce qui est juste et naturel pour nos animaux de compagnie soit inacceptable pour nous, pauvres êtres humains obligés par une raison supérieure à supporter jusqu’au bout les affres de la maladie et de la souffrance.

Pourtant, qui peut encore oser dire que ma vie, que nos vies ne méritent pas autant de compassion que celle de ma petite chatte, que celle des millions d’animaux domestiques que chérissent tant de Français ? » Pages 179 et 180

 

« Il y a quelques mois, en août 2008, alors que je profitais du soleil mexicain sur la belle plage de Puerto Vallarta, j’ai écrit à la main sur un petit carnet noir la limite au-delà de laquelle je ne souhaitais pas aller. Comme l’écrivain Hugo Claus avait prévu qu’il partirait le jour où il deviendrait incapable d’écrire, j’ai écrit les outrages de la maladie que je ne tolérerai pas. J’en ai déjà tellement subis, au point d’accepter les déformations de mon corps et de mon visage que le sida et ses traitements m’ont infligées, jour après jour, depuis plus de 20 ans. Au point de détester me regarder dans la glace. De ne plus me supporter physiquement !

Tout est précisément listé dans ce petit carnet noir qui ne me quitte plus. Je lis et relis chaque jour ces lignes pour m’assurer que la maladie ne m’a pas amené encore à ces limites que je juge intolérables. Pour moi et pour ceux que j’aime. » Page 180

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« Et, surtout, cet engagement, il s’ancre un peu plus chaque jour tant je suis bourré d’incertitudes. Contrairement à ces mandarins, à ces Leonetti bourrés de certitudes, je n’ai pas peur d’affirmer que je ne sais pas. Pire, que je suis hanté par le doute. Car aujourd’hui, je suis incapable de dire ce que je voudrai au moment ultime. Je ne suis sûr que d’une chose : je veux avoir le choix. Mais pour cela, il ne faut pas qu’on me vole mon Ultime Liberté ! » Page 18

 

« Ce n’est pas une revendication portée par des biens portants – vivant avec un virus mortel, je suis bien placé pour le dire ! – mais par des Français de tout âge et de toute condition qui veulent pouvoir choisir et ne pas subir les choix de médecins parfois tout puissants. Plutôt que de subir la mort, ils veulent la contrôler. » Pages  169 et 170

 

« Aussi, je demande pitié ! Que l’on m’épargne les souffrances inutiles et les tragédies absurdes. Je demande pitié ! Que l’on épargne à celles et à ceux qui le demandent clairement les souffrances inutiles et les tragédies absurdes. Que l’on nous laisse libres de ce moment inéluctable, unique de la vie, qu’est l’instant de la mort. Que l’on ne nous vole pas notre départ. Que l’on ne me vole pas mon Ultime Liberté. » Page 16

 

« Alors, mes chers lecteurs, l’alternative est simple.

Comment voyez-vous votre fin de vie ?

Expirer, seul dans une chambre d’hôpital, à 5 heures du matin, entouré du bruit métallique des machines d’assistance, avec comme seul horizon le mur beige que vous fixez depuis plusieurs jours déjà ? Ou bien rendre au grand mystère de l’espèce humaine cette vie que vous avez essayé de rendre belle et digne, de rendre utile et attentive aux autres, dans le décor que vous avez choisi vous-même, chez vous ou ailleurs, emportant dans vos yeux l’image à jamais ineffaçable de celles et ceux que vous aimez et qui vous aiment en retour, emportant dans la chaleur de la main la trace gravée d’une autre main, emportant au creux de votre épaule la douceur d’une chevelure aimée et le mouvement de lèvres qui vous murmurent « Au revoir mon amour », le cœur partagé entre l’arrêt définitif et l’emballement passionnel devant tant de beauté ? » Pages 177 et 178

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