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Mon discours du Cirque d'hiver sur la fin de vie

Mes chers amis,

Quelle très belle réunion nous avons eue aujourd’hui…
Vous avez entendu, là, devant vous, des personnalités politiques qui joueront sûrement un rôle important dans les semaines qui viennent. Certaines, sur la question de la fin de vie, vous ont plu. D’autres, c’est naturel, vous ont déplu… M’ont déplu !
Je remercie les uns et les autres d’avoir joué le jeu de la transparence démocratique et de nous avoir indiqué, honnêtement, avec un certain courage parfois, quelle serait la politique relative au droit de mourir dans la dignité qui serait mise en œuvre dans le cas de leur accession à la présidence de la République ou de celle de leur champion.
Je regrette cependant que certains candidats n’aient même pas répondu à notre invitation. Cette ignorance, ce mépris sont sans aucun doute une sorte de réponse que nous avons bien reçue…
Je rappelle à toutes et à tous que l’ADMD, c’est près de 70 000 adhérents actifs et que le tout dernier sondage réalisé par l’Ifop au début de ce mois de mars indique 4 chiffres important que je vous rappelle, car il faudra très largement les diffuser :

  • 90% des Français – donc 9 sur 10 ! – approuvent l’autorisation pour les personnes souffrant de maladies insupportables et incurables de recourir à un suicide assisté.
  • Pour 95% des Français, la loi française devrait autoriser les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie des personnes atteintes de maladies insupportables et incurables si elles le demandent.
  • 39% des Français déclarent que les questions du droit de mourir dans la dignité (droit à l’euthanasie, droit au suicide assisté) auront une forte importance dans leur vote.
  • 32% des Français – 1 sur 3 – se déclarent prêts à renoncer à voter en faveur d’un candidat proche de leur sensibilité politique mais qui, sur les questions liées à la fin de vie, se déclarerait opposé à la légalisation de l’euthanasie. Quand on sait que les élections se jouent souvent à quelques points, ce chiffre est pour nous édifiant et encourageant !

Le droit de mourir dans la dignité est donc l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens et un sujet de quasi unanimité. Alors pourquoi nos lois n’avancent-elles pas plus vite ? Pourquoi sommes-nous bloqués dans un no man’s land où le mourant est au prise avec lui-même, durant plusieurs jours voire plusieurs semaines, sans alimentation ni hydratation ? Pourquoi la sédation a-t-elle les seules faveurs de notre Parlement, au détriment de l’administration létale humaine et respectueuse des consciences de chacun, alors que les deux sont utiles et complémentaires ?
Je vais vous dire… Le puissant lobby des mandarins, pour certains ignorants de la réalité des chambres d’hôpital où seules s’activent de jeunes médecins, des étudiants, des infirmières admirables et des aides-soignantes, tous bien démunis devant les cris d’angoisse des malades dont ils ont la charge. Des grands pontes de la médecine qui refusent trop souvent encore d’abdiquer ce pouvoir de vie et de mort qui les place au-dessus des hommes, presque des demi-dieux… Et puis l’influence de certains responsables de l’église catholique – voire des 3 grandes religions monothéistes – qui, contrairement d’ailleurs à la plupart de leurs fidèles et croyants, parlent encore du terme naturel de la vie, en opposition à une mort provoquée par une euthanasie ou un suicide assisté, alors même que la mort naturelle existe de moins en moins dans nos sociétés et où les malades finissent leur vie dans des hôpitaux aux plateaux techniques hyper sophistiqués, où des machines peuvent maintenir en survie des corps vides de toute vie réellement humaine, où des salles d’expériences se nourrissent parfois encore des êtres que nous aimons…
Les grands pontes de la médecine, les représentants des Églises… Autant de voleurs de liberté qui, avec le visage de la bienveillance et les mots de la compassion, nous condamnent – et pire encore, condamnent nos amours, nos parents, nos enfants et nos amis – à la souffrance, à la déchéance, à la terreur d’une nuit d’encre qui ne s’achève jamais…
L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, dont vous êtes ici, cette après-midi, les 2000 ambassadeurs ne donnera bien sûr aucune consigne de vote pour les élections qui viennent. Notre association est et restera apolitique. C’est sa force. C’est aussi sa richesse.
Mais l’ADMD a un devoir d’information et d’interpellation. C’est ce qu’elle fait aujourd’hui, là, devant vous. C’est ce qu’elle continuera à faire à travers le site d’interpellation qu’elle a mis en œuvre et qu’elle développe déjà depuis plusieurs semaines.
Vous qui êtes des militants de la fin de vie digne, certains adhérant à notre association depuis ses tout débuts en 1980, ne vous laissez pas gagner par le fatalisme. Non, nous ne sommes pas condamnés à mourir et à voir mourir nos proches dans des conditions inhumaines, indignes, que nous ne tolérerions même pas pour nos animaux domestiques.
Nous pouvons, par notre vote, obtenir ce nouveau droit, celui de choisir les conditions de notre propre fin de vie, dans les toutes prochaines années. C’est un choix que nous devons faire en conscience, au moment de choisir notre bulletin de vote et de le glisser dans une urne.
Certes, nous avons le sentiment d’avoir été trahis par de belles promesses, en 2012, qui se sont transformées, de commissions en rapports, en un renforcement de la loi écrite par nos opposants. Toujours les mêmes. Toujours le même !
Alors pourquoi y croire aujourd’hui ? Parce que chaque jour, nous avançons un peu plus. Chaque jour nos arguments convainquent plus de Français. Chaque jour des drames épouvantables, rapportés par la presse, nous démontrent combien on meurt si mal en France.
Je vous l’assure, je le sais, je le sens, nous y arriverons. Les Néerlandais, les Belges, les Luxembourgeois, les Suisses, les Canadiens et tant d’autres y sont parvenus. A ce jour, 166 millions de citoyens de ce monde vivent sous la protection d’une loi d’ultime liberté.
Mon ambition, avec vous, est que 65 millions de Français rejoignent ces 166 millions de personnes et que, nous aussi, nous vivions dans la sérénité de celles et de ceux qui savent qu’ils ne mourront pas autrement que de la façon qu’ils souhaitent. « Les yeux ouverts » comme l’a si merveilleusement écrit la talentueuse et regrettée Marguerite Yourcenar.
Merci encore à vous d’être venus de tous les coins de notre beau pays, de notre Ile-de-France et de notre belle capitale, Paris. Merci à nos orateurs, aux personnalités, aux représentants des associations laïques ici présentes et à la Maire de Paris qui est toujours à nos côtés.
Et je sais pouvoir compter sur chacune et chacun d’entre vous. Dans les semaines qui viennent, allons dans toutes les réunions des candidats aux élections législatives. Disons-leur l’urgence d’avoir une loi d’ultime liberté. Rappelons-leur que 90% des Français – leurs électeurs ! – attendent une telle loi.
Si toutes et tous, vous ici présents, si nos 70 000 adhérents deviennent, à travers tout le pays, aux côtés de nos 120 délégués, des militants de notre loi républicaine et laïque, nous ne pourrons que gagner.
J’y crois vraiment.
Mon corps m’appartient !
Votre corps vous appartient !
Ma mort m’appartient !
Votre mort vous appartient !
Crions le désormais très fort.
Et, n’acceptons plus jamais que les voleurs de liberté nous imposent leur société d’un autre temps.
Battons-nous sans relâche avec la folle énergie de celles et de ceux qui savent l’immense progrès pour toutes et pour tous que serait notre loi et nous gagnerons enfin – soyons-en vraiment convaincus ! – notre ultime liberté !
Vive l’ADMD !
Vive la liberté !
Je vous remercie.

 Jean-Luc Romero, Président de l’ADMD

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