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Mon discours du 16 septembre pour les 20 ans de Diagonale

Mesdames, Messieurs, Chers amis,

J’ai le grand plaisir d’intervenir pour ce colloque fêtant les 20 ans de l’association Diagonale Ile-de-France en tant que président de l’association Elus Locaux Contre le Sida, du CRIPS Ile-de-France et également représentant de Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France.
20 ans c’est un bel âge. C’est l’occasion de faire un bilan. Vous travaillez sur la problématique de l’hébergement, un point souvent très douloureux dans l’histoire d’une personne, un point essentiel à régler tant il conditionne le retour à l’emploi, l’émergence des projets de vie, une certaine stabilisation du quotidien. Je le constate tous les jours dans ma fonction de directeur des solidarités d’une commune voisine : vous êtes très exigeants avec vous-mêmes et, malgré le manque de crédits, travaillez avec conviction et  humanisme. Je tenais à vous en féliciter très sincèrement et très chaleureusement.
20 ans c’est aussi l’occasion de se projeter dans l’avenir comme l’y invite votre carton d’invitation, le sous-titre du colloque étant journée de réflexion et d’échanges.
Dans ce cadre, il m’a été suggéré d’intervenir sur la thématique des droits humains. Inutile de vous dire que je suis ravi de centrer mon propos sur ce thème tant il me paraît central dans la réussite de toute politique de prévention et d’accès aux traitements et globalement dans la lutte contre le sida.

Discours de Jean-Luc Romero

 

Conseiller régional Ile-de-France

Président d’Elus Locaux Contre le Sida

 

« 20 ans de Diagonale Ile-de-France »

16 septembre 2010

 

 

Mesdames,

Messieurs,

Chers amis,

 

J’ai le grand plaisir d’intervenir pour ce colloque fêtant les 20 ans de l’association Diagonale Ile-de-France en tant que président de l’association Elus Locaux Contre le Sida, du CRIPS Ile-de-France et également représentant de Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France.

 

20 ans c’est un bel âge. C’est l’occasion de faire un bilan. Vous travaillez sur la problématique de l’hébergement, un point souvent très douloureux dans l’histoire d’une personne, un point essentiel à régler tant il conditionne le retour à l’emploi, l’émergence des projets de vie, une certaine stabilisation du quotidien. Je le constate tous les jours dans ma fonction de directeur des solidarités d’une commune voisine : vous êtes très exigeants avec vous-mêmes et, malgré le manque de crédits, travaillez avec conviction et  humanisme. Je tenais à vous en féliciter très sincèrement et très chaleureusement.

 

20 ans c’est aussi l’occasion de se projeter dans l’avenir comme l’y invite votre carton d’invitation, le sous-titre du colloque étant journée de réflexion et d’échanges.

 

Dans ce cadre, il m’a été suggéré d’intervenir sur la thématique des droits humains. Inutile de vous dire que je suis ravi de centrer mon propos sur ce thème tant il me paraît central dans la réussite de toute politique de prévention et d’accès aux traitements et globalement dans la lutte contre le sida.

 

Pour rappel, ce thème des droits humains a vraiment été au cœur de la conférence AIDS 2010 de Vienne et l’enseignement de Jonathan Mann qui lie meilleure santé et respect des droits de l’homme n’a jamais été autant d’actualité. S’il ne faut retenir qu’un moment fort de cette conférence, retenons cette marche militante pour les droits de l’homme avec en tête de cortège : Michel Sidibé, directeur exécutif d'ONUSIDA, Michel Kazatchkine, directeur du Fonds mondial et Auma Obama, la demi-sœur du président Barack Obama.

 

Cette marche à Vienne a été un moment fort qui vient contraster avec de nombreuses prises de positions ou législations adoptées qui font du malade un coupable, un criminel. Je vais donc centrer mon propos sur l’utilisation du droit pénal dans un contexte global de réponse au VIH/sida ; j’aborderai donc successivement la pénalisation de la transmission ou de l’exposition au VIH/sida et la criminalisation de l’homosexualité. Enfin je souhaite évoquer un combat qui m’est cher : les entraves à la liberté de circulation et d’établissement des personnes séropositives dans le monde.

 

Comme vous le savez, depuis quelques années se développe une tendance de fond lourde de conséquences négatives : la pénalisation de la transmission du VIH/sida et/ou de l’exposition au VIH/sida.

 

Alors je le dis de suite pour éviter toute ambigüité : mon propos ne concerne pas les cas de personnes qui mettent en place des stratagèmes et utilisent des ruses pour obtenir de façon totalement volontaire une relation sexuelle non protégée tout en se sachant contaminé. Ces cas sont certes très rares mais légitimement punissables et condamnables moralement et juridiquement. Ils n’entrent pas dans ce débat général sur la pénalisation.

 

Quel constat pouvons-nous dresser ? De plus en plus de poursuites se sont fait jour et de plus en plus de condamnations très largement médiatisées ont été prononcées depuis quelques années dans le cadre d’une transmission du VIH/sida.

 

Je ne compte pas ici faire un catalogue des législations, simplement dresser un constat d’ordre général : dans certaines régions notamment d’Afrique ou d’Asie, des lois spécifiques sur la pénalisation de la transmission ou de l’exposition au VIH/sida sont adoptés ;  parallèlement, en Europe, aux Etats-Unis, au Canada, on a de plus en plus recours aux lois pénales générales pour poursuivre les cas de transmission du VIH. Selon un rapport de la Fédération internationale du planning familial, 58 pays dans le monde se sont déjà dotés de lois ou utilisent des lois existantes pour criminaliser la transmission du VIH. 33 autres pays envisageraient de les imiter.

 

Ainsi, alors que le VIH/sida tend à se banaliser du fait de son caractère chronique, on en arrive à une situation où on fait porter toute la responsabilité de l’épidémie sur les séropositifs ! C’est aberrant ! Bien évidemment je ne conteste pas la volonté des personnes contaminées de se pourvoir en justice c’est leur droit le plus absolu et je n’ai en aucun cas le droit de leur contester le statut de victime. Mais sur le plan de la santé publique, la pénalisation de la transmission est une erreur énorme et lourde de conséquences négatives. Alors devenons quelques instants les juges de la pénalisation de la transmission sexuelle du VIH/sida.

 

Tout d’abord, les lois fondant la pénalisation sont souvent rédigées et appliquées de façon beaucoup trop large. Il en résulte des jugements aberrants. Un exemple : aux Etats-Unis, un homme a été condamné à 35 ans de prison pour avoir craché sur un policier ; l’homme était séropositif…

 

Ensuite, la pénalisation ne permet pas de réduire la transmission, aucune étude sérieuse n’a démontré une modification des comportements à risques ou un impact potentiellement dissuasif. Rappelons également ce que tout le monde sait : dans les prisons les pratiques à risques existent ! La peur du gendarme ne résout pas tout, contrairement à ce que pensent certains !

 

La pénalisation emporte également de nombreux effets contre-productifs et met clairement en danger la politique de prévention du VIH/sida ; en effet quel est le message implicite portée par la pénalisation ? Connaissance = culpabilité / Ignorance = innocence. En gros ne vous dépistez, vous ne serez pas considéré comme responsable en cas de procès! La pénalisation est tout simplement une politique qui donne la priorité à l’irresponsabilité! Alors oui, la pénalisation contribue à la propagation du virus.

 

Autre effet pervers : elle ne fait que renforcer la stigmatisation à l’encontre des personnes séropositives, montrés du doigt comme seuls coupables dans la propagation du VIH/sida, et donc potentiellement des criminels en puissance.

 

Je ne vais pas épiloguer, nous le voyons bien, la pénalisation est une aberration ; alors que faudrait-il faire ?

 

Premièrement, sensibiliser et expliquer de façon claire à nos concitoyens la notion de responsabilité partagée résumé ainsi par le Conseil national du sida : « si une personne vivant avec le VIH a la responsabilité de ne pas transmettre le virus, la personne non contaminée a la responsabilité, à l’occasion d’une nouvelle relation, de se protéger du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles ».

 

Deuxièmement, adopter des lois permettant au plus grand nombre d’accéder aux programmes de prévention, sans obstacle et mettre en place une vraie politique d’éducation à la sexualité.

 

Troisièmement, créer un cadre sociétal dans lequel les personnes séropositives pourront dire leur maladie sans risque de discrimination. Les séropositifs sont les premiers acteurs de la prévention et pourtant, 25 ans après le début de l’épidémie, il est toujours très difficile de dire son statut, sans doute même plus dur qu’il y a quelques années. La compassion a disparu, l’arrivée des traitements a permis à certains d’enfouir le débat sur l’acceptation des malades, de remettre sur le devant de la scène l’idée de faute et de culpabilité ; ce faisant, le poids des discriminations subies est tel que certains taisent leur statut. Comment demander à des malades une responsabilité totale alors qu’on ne veut pas les entendre  et que l’on nie leur dignité ?

 

C’est là je crois la vraie priorité : travailler sur la dicibilité de la maladie en lieu et place de l’irresponsabilité prônée par la pénalisation.

 

C’est un grand chantier. Un chantier difficile. Un chantier impossible dans certains pays qui criminalisent même l’intimité de leurs citoyens. Rappelons cette réalité dramatique : plus de 70 pays à travers le monde appliquent des lois criminalisant les relations sexuelles entre personnes adultes et consentantes de même sexe. Pire, dans une dizaine de nations, l’homosexualité est même punie de la peine de mort.

 

Je ne peux pas avoir ici des mots assez durs pour dénoncer de telles législations : dans ces pays, les homosexuels sont considérés comme des fauteurs de trouble, des déviants, des criminels. Vous imaginez facilement que toute politique de prévention du VIH en direction des gays est totalement utopique. Il nous faut soutenir les associations locales qui demandent la dépénalisation de l’homosexualité. Plus qu’une nécessité, c’est un devoir ! En France, cette question a bien évidemment été résolue mais il n’y pas si longtemps que cela. Jusqu’en 1982, l’homosexualité était considérée comme un délit. Pour autant il y a encore bien des progrès à faire. Plus que de longs discours, un seul chiffre : les jeunes homosexuels ont treize fois plus de risque de faire une tentative de suicide que les jeunes hétérosexuels.

 

Globalement, l’homophobie légalisée par l’Etat ou latente dans la société civile est un frein à l’accès aux programmes de prévention, au dépistage et à l’accès aux traitements. Il faut bien en avoir conscience si l’on veut changer de paradigme en matière de prévention.

 

Dernier sujet sur lequel je souhaite intervenir : les restrictions à la liberté de circulation et d’établissement des séropositifs dans le monde. Il ne concerne pas directement le droit pénal mais je crois important d’en dire quelques mots tant c’est une illustration très forte au niveau international de la sérophobie.

 

Sur ce dossier le constat est dramatique : selon les dernières données recueillies par la Deutsche AIDS Hilfe sur 192 pays à travers le monde, 66 disposent de réglementations spécifiques concernant l’entrée des personnes séropositives. 31 pays continuent d’expulser des personnes séropositives ou de leur ordonner de quitter le territoire lorsque le VIH est diagnostiqué. 16 pays interdisent toute entrée sur leur territoire aux personnes séropositives même pour un court séjour …

 

La zone Europe n’est pas épargnée par ce phénomène : ce sont près de 17 des 53 pays constituant la région Europe de l'OMS qui pratiquent des restrictions à l'entrée ou au séjour sur leur territoire des personnes séropositives. Dans cette liste de 17 pays, on peut trouver la Grèce,  l’Autriche, la Belgique etc.

 

Comment ces pays font pour justifier de telles restrictions ?

Tout d’abord, la personne séropositive serait une charge financière trop importante pour le système de santé du pays…. La réalité est que rien ne permet d’affirmer que les dépenses de santé induites par la maladie ne sont pas inférieures à la contribution économique que la personne amènera au pays notamment en termes de contribution au revenu national, par exemple via les impôts. L’argument économique qui fait du malade une charge est totalement infondé.

Ensuite la personne séropositive serait une menace pour la santé publique. Faut-il rappeler que le sida est une maladie transmissible mais pas contagieuse ? Faut-il rappeler que le VIH/sida est présent dans tous les pays ? Faut-il rappeler que chacun a la responsabilité de se protéger ? Faire croire que le sida se réglera en interdisant l’accès sur son territoire aux personnes séropositives est, indigne, intolérable et surtout contre-productif : il revient à dire qu’en éloignant les étrangers malades on a tout réglé ; cela ne peut conduire qu’à moindre conscience du risque et une augmentation des comportements à risque, soit l’exact contraire de l’objectif initial !

 

Les justifications liées à la protection de la santé publique et à l’argument économique sont fausses et dangereuses. Ces justifications idéologiques sont uniquement basées sur les préjugés selon lesquels le sida serait une maladie d’étranger et le malade, plus un être humain, mais une charge et un criminel en puissance !

 

Je vais désormais conclure mon intervention sur ces mots. Il y a quelques années la maladie faisait peur, mais il y avait une forme de compassion et d’empathie envers les malades. Le malade était considéré comme un malade et seul le sida faisait peur. Aujourd’hui, alors que la maladie soulève une vague d’indifférence, j’ai l’impression que les malades sont considérés non plus comme des malades mais bel et bien comme des charges et même des coupables, coupables de ne pas avoir fait attention, coupable d’exister, coupables d’être là, coupables de vivre. Nous devons lutter contre cette logique indigne et inhumaine. C’est cela que je voudrais faire passer comme message. Il est nécessaire de lutter contre toute logique qui viserait à rendre coupable ou même à punir les malades de leur propre maladie. C’est ce que je crois profondément en tant qu’homme et ce que je défends et défendrai toujours avec détermination en tant qu’élu.

 

Je vous remercie.

 

 

 

Commentaires

  • Mr Jean Luc Romero,


    je tenais à vous écrire ce Mail afin de vous informer de la situation dramatique
    que vit actuellement un détenu à la prison de Grasse, il s'agit de Mr Eric
    PIEDOIE, 51 ans, incarcéré à la maison d’arrêt de Grasse. C'est un co-infecté
    VIH/VHC, non soigné pour son hépatite C depuis janvier 2009 (toxicité du
    traitement). Sur la base du certificat du médecin UCSA attestant d'un
    "pronostic vital engagé à court terme" il a fait, début juillet, une demande de
    suspension de peine d'urgence (nouvelles disposition art 7120-1-1 du code de
    procédure pénale depuis loi pénitentiaire 24 nov 2009).
    Mais la Juge d'application des peines a quand même désigné un médecin expert,
    ce dernier a vu Mr PIEDOIE le 8 août, lui a dit qu'il avait conscience de la
    gravité de la situation et rendrait son rapport au plus vite...
    Finalement, on a obtenu le rapport début septembre qui reconnaît la
    co-infection, le stade cirrhose avancée, l'absence de soins pour le VHC mais
    conclut que l'état de santé n'a pas évolué depuis un an, donc compatible avec
    la détention. Que le pronostic vital "n'est pas engagé à court terme" (et
    engagé tout court?); que Eric suit un traitement suffisant en prison!!!
    L'audience de la commission où la JAP doit statuer est fixée au 13 octobre. Même
    si 25 certificats médicaux attestent que le pronostic vital de Mr PIEDOIE est
    engagé, ceux-là ne proviennent "que" de médecins UCSA et on craint que la
    décision ne tienne compte que du rapport du médecin expert.
    Par ailleurs, les médecins UCSA évoquent dans leur certificats médicaux la
    possibilité pour Mr PIEDOIE de rentrer dans un protocole d'essai au CHU de Nice
    dans le service du docteur Albert Tran.

    Depuis que nous sommes saisis de ce dossier, nous avons déjà publié trois
    communiqués de presse, alerté le ministère de la Santé et le ministère de la
    Justice (ce qui a entraîné la colère du Parquet et le "réveil" du JAP de
    permanence) et saisi le contrôleur général des prisons. l'ARS PACA a également
    été saisie.

    Nous souhaitons publier un nouveau CP inter associatif. Également, nous
    travaillons avec le TRT5 sur la question de l'entrée des personnes incarcérées
    co-infectées dans les protocoles de recherche.
    Mr Romero, connaissant votre combat, je m'adresse à vous pour avoir votre
    soutien et que vous nous rejoignez pour sauvez la vie de cette homme, je milite
    depuis de nombreuses années contre l'incarcération et le traitement inhumain
    réservé aux séropositifs en prison. Si vous faites une recherche sur Google vous
    trouverez tous les renseignement concernant mon engagement.

    Il est important de ne pas laisser Eric PEIDOIE mourir au fond de sa prison et
    j'espère que vous nous accorderez tous votre soutien dans ce combat.
    J'attends de vos nouvelles rapidement car la situation est extrêmement urgente.


    Laurent JACQUA

    commission "prison" Act Up-Paris
    45 rue Sedaine
    75011 PARIS

    prison@actupparis.org
    01 49 29 44 77

    www.actupparis.org

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