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Les 10 ans d’Ikambere

medium_logo_ikambere_1.jpgHier, en fin d’après-midi, je suis intervenu au colloque organisé à l’occasion des 10 ans d’Ikambere qui se déroulait dans les grands salons de l’hôtel de ville de Paris.medium_logo_Ikambere_2.jpg
C’est avec plaisir que j’ai répondu à l’invitation de Bernadette Rwegera, charismatique directrice de cette belle association qui s’occupe des femmes originaires d’Afrique sub-saharienne touchées par le VIH/sida. On l’oublie trop mais la population d’Afrique sub-saharienne représente 30% des nouvelles contaminations en 2006 dont 2/3 de femmes.
Ikambere est donc une association rare est indispensable. Vous pouvez ci-dessous lire l’intervention que j’ai faite hier.

medium_8000_morts_par_jour.jpgLes 10 ans d’Ikambere [suite] 

Intervention de Jean-Luc Romero
Président d’Elus Locaux Contre le Sida
Colloque pour les 10 ans d’Ikambere
Hôtel de ville de Paris - 12 avril 2007

Monsieur le maire, cher Alain Lhostis,
Monsieur le président, cher Abdon,
Madame la directrice, chère Bernadette
Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Quand ma chère Bernadette m’a proposé d’être là aujourd’hui et d’intervenir pour marquer les dix ans d’existence de l’association Ikambere, je n’ai évidemment pas hésité une seconde. Dix ans, c’est beaucoup de travail réalisé. Dix ans, c’est l’heure du bilan mais également le moment de la maturité qui permet de se projeter dans l’avenir. Dix ans, c’est un bel anniversaire !
Alors, avant tout, j’aimerai vous dire comment j’ai connu l’association et pourquoi j’ai une tendresse particulière et une admiration sincère pour le travail d’Ikambere, de ses bénévoles, de ses salariés et pour mes amis Abdon et Bernadette.
Il y a quelques années, à l’invitation de Bernadette, je suis venu dans les locaux de l’association à Saint-Denis pour partager un repas avec les femmes d’Ikambere. Ce fut pour moi un choc et une révélation.
Un choc, car j’ai rencontré des femmes qui m’ont raconté, sans se plaindre de leur sort, des histoires terribles, leurs histoires, leurs vies. Un choc, - le mot n’est pas trop fort - parce que malgré le poids de la maladie, l’isolement dans laquelle étaient beaucoup de ces femmes et souvent l’exclusion qu’elles avaient subie, elles gardaient un optimisme extraordinaire et une envie de vivre communicative. Cette rencontre m’a regonflé et m’a redonné l’envie de me battre. Après avoir vu ses femmes, je me suis dit que le sida n’était pas seulement un combat contre la mort mais bel et bien un combat pour la vie et que l’espoir était la clef de tous nos combats.
Cette visite fut aussi une révélation, car je n’avais pas encore saisi la nécessité impérieuse d’un tel lieu d’accueil pour des femmes qui doivent pouvoir partager leurs expériences pour ne pas sombrer. Un lieu de convivialité et de solidarité qui permet de briser le carcan de l’isolement. Un lieu où l’amour circule à ce point, qu’on ne voudrait jamais en partir.
C’est pour cela que ma tendresse et mon admiration envers Ikambere sont sincères. Mais, plus que mes sentiments personnels, je crois qu’il est essentiel de parler du travail de l’association, travail ô combien indispensable. J’aimerai insister sur deux points en particulier : le public accueilli par Ikambere, public particulièrement vulnérable et la méthode utilisée par l’association pour aider ces personnes.

Le public accueilli par Ikambere : un public particulièrement vulnérablemedium_logo_ikambere_1.2.jpg

Cette association travaille principalement avec et pour les femmes originaires d’Afrique sub-saharienne vivant avec le VIH/sida. Nous le savons que trop bien, c’est une population particulièrement touchée par l’épidémie ; selon les chiffres donnés par l’INVS, les migrants d’origine d’Afrique sub-saharienne rassemblent 30% des cas de nouvelles contaminations dont 2/3 de femmes.
En France, nous avons mis longtemps à nous rendre compte de l’impact du sida chez les femmes et plus encore chez les femmes migrantes ; la prise en compte d'une spécificité féminine dans l'infection à VIH a été tardive. En effet, l'importance de l'épidémie masculine dans les années 80 et 90 en France a masqué la réalité de la contamination féminine et renforcé une prévention déclinée essentiellement au masculin. Ce n’est plus le cas depuis quelques années et on prend en compte la vulnérabilité spécifique des femmes face au VIH, notamment des femmes migrantes.
La sexualité dans cette population est fortement marquée par le poids d'un schéma socioculturel de domination masculine. Ainsi le discours habituel invitant les femmes à prendre en main leur prévention et à exiger le port du préservatif est très compliquée à mettre en œuvre concrètement. Vulnérabilité en partie physiologique, la spécificité de la vulnérabilité des femmes migrantes tient également à leur dépendance socio-économique, qui peut prendre des formes diverses: situation administrative complexe, maîtrise de la langue française imparfaite d’où difficultés d’intégration et d’accès à l’information, très faibles revenus, statut social défavorisé, entrave à la construction de l'estime de soi... Tout ceci contribue à rendre la femme migrante particulièrement vulnérable face au VIH.
L’annonce de la séropositivité peut être vécue comme une mort sociale. Beaucoup trop de femmes sont rejetées de leur foyer à la suite de la découverte d'une séropositivité et donc pour ne pas risquer cette exclusion et se retrouver dans une situation de grande précarité, les femmes migrantes atteintes par le VIH sont souvent contraintes de cacher leur séropositivité ou leur sida, ce qui entraîne en plus des difficultés d'observance au traitement.
Il est donc essentiel pour les femmes migrantes de pouvoir retrouver la parole face à une maladie qui les isole. C’est le rôle qu’Ikambere assure avec ferveur et courage : redonner la parole à des femmes que le sida réduit au silence.

Une approche globale et communautairemedium_logo_Ikambere_2.2.jpg

En deuxième lieu, j’aimerai souligner la justesse de l’approche qui fonde Ikambere : l’approche communautaire. Alors, de suite, je précise que je n’entends pas communautaire dans son sens restrictif et fermé celui de communautariste. Je sais le souci constant d’Ikambere de s’ouvrir aux femmes en général et ne pas se limiter à une communauté.
En France, soyons honnêtes, nous avons mis longtemps, trop sûrement, à donner la pleine mesure à cette approche et à reconnaître sa légitimité et son efficacité. Aujourd’hui, c’est le cas. L’INPES lançait en 2002 sa première campagne media en direction des migrants et a, depuis peu, recours aux associations communautaires comme experts de ce public. De même, le programme national de lutte contre le sida 2004/2006 en direction des migrants énonçait qu’il fallait notamment agir auprès des migrants en tant que groupes spécifiques de la société française, ce qui légitime bien l’importance de solliciter les associations communautaires.
Face à une situation épidémiologique grave, cette approche est la bonne. Dans la prévention auprès des migrants, il faut tenir compte du fait que l’on ne peut d’adresser de la même manière à tous les migrants. Il faut tenir compte des spécificités et les associations communautaires sont les plus efficaces car elles connaissent les codes, les représentations et autres, d’où un contact facilité et donc un travail plus efficace.
Au-delà de cette approche communautaire ouverte et tolérante, Ikambere promeut également une approche globale de l’aide à apporter à la personne touchée. Ikambere est un des rares lieux d’accueil où les femmes trouvent un espace de parole. Un repas chaud est servi tous les midis gratuitement et les femmes ont la possibilité de faire de multiples activités: relaxation, esthétique, couture... Ikambere met en œuvre 8 projets : l’accueil, l’écoute et l’accompagnement, la prévention, les permanences hospitalières, la réinsertion par les ateliers de recherche d’emploi, l’hébergement par les familles relais, les appartements passerelles et la recherche, l’accompagnement vers l’emploi par le chantier la Main Fine. L’ensemble de ces projets permet une ouverture vers l’autonomie et une prise en charge globale. Cela permet à une personne de retrouver la stabilité et un équilibre bouleversé par l’annonce de la séropositivité.

Conclusionmedium_RAf_logo.3.jpg

Il est essentiel que des lieux comme la Maison accueillante se multiplient en France au moment où l’épidémie frappe de plein fouet les femmes originaires d’Afrique sub-sahariennes et pas uniquement en région parisienne. C’est un devoir pour nous élus de promouvoir et de faire émerger ce genre de lieux en France.
Avant de terminer mon intervention, permettez moi d’élargir mon propos sur deux points.
Le premier concerne le combat que mène Elus Locaux Contre le Sida depuis longtemps sur la question de la libre circulation des personnes touchées par le VIH/sida. Savez vous que, dans près de la moitié des états membres de l’ONU, des entraves discriminatoires à l’encontre de la liberté de circulation des séropositifs sont appliquées? Cette situation est insupportable. Le séropositif n’est ni un criminel ni une menace à l’ordre public et rien ne justifie ces restrictions. ELCS a donc interpellé les autorités nationales, européennes et internationales sur ce sujet mais dans cette lutte de longue haleine, nous avons besoin de la mobilisation de toutes les associations et ce n’est qu’ensemble que nous gagnerons ce combat pour la dignité.
Le second concerne l’article 12bis11 de l’ordonnance de 1945 qui prévoit la délivrance de plein droit d’un titre de séjour pour raisons médicales. On le voit : le débat sur l’immigration est objet de polémiques incessantes, je ne reviendrai pas dessus. Mais s’il y a un point sur lequel tous les candidats démocrates doivent être totalement d’accord, c’est bien celui du maintien sans conditions et de la pleine application de l’article 12bis 11. Cette disposition qui honore la France est totalement légitime. Une seule raison ? La vie d’une personne n’a pas de prix.
Je vous remercie.

 

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